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trois mois. Enfin elle fixe à soixante heures par semaine le maximum du travail de l’enfant au-dessous de quinze ans, et à 50 dollars l’amende encourue pour chaque contravention. Cette loi est récente ; elle porte la date de 1867. Le constable de l’état est chargé de l’inspection, et a mandat pour exercer les poursuites.

Or c’est ce constable de l’état, l’honorable Henry K. Oliver, qui va nous dire comment cette loi est exécutée ; aucun témoignage ne saurait avoir ici plus de valeur. Par les devoirs de sa charge, M. Henry K. Oliver a des rapports annuels à faire, et c’est sur ces rapports que l’on pourra juger et conclure. Ni le sujet, ni les développement dont il est susceptible ne sont d’ailleurs une nouveauté ; il n’y a de nouveau que le siège des observations. Le travail des enfans a provoqué en Angleterre, outre beaucoup d’opuscules, deux livres qu’on peut appeler classiques, l’un de M. Horner, l’autre de M. Samuel Baker, tous deux inspecteurs commissionnés de la police des manufactures. Ils ont exploré le champ et ouvert le sillon. Au lieu de voiries choses en beau, comme en France on n’eût pas manqué de le faire, ils se sont attachés à signaler les côtés par où elles péchaient, et, mus de pitié, ils en ont fait un tableau lamentable ; ils ont frappé fort, au risque de ne pas frapper toujours juste. Ils ont réussi, M. Baker surtout, et on leur doit de sérieux amendemens apportés à l’état ancien. M. Oliver n’avait point à prétendre aux mêmes effets ; l’industrie aux États-Unis s’est créée en glanant çà et là dans une population qui a beaucoup d’aventuriers et peu de misérables. Il n’y avait donc pas à s’apitoyer sur le sort d’enfans à peine vêtus, mal nourris, esclaves des machines et pressés de travail jusqu’à l’exténuation. De telles scènes, c’est une justice à rendre à l’Amérique, y sont inconnues, même dans l’exploitation des mines de charbon, la plus ingrate de toutes ; mais M. Oliver pouvait, comme constable de l’état, s’assurer si bs prescriptions de la loi étaient observées dans le Massachusetts. C’est ce qu’il a fait avec autant de modération que de fermeté. La tache était rude en face d’un indomptable esprit d’indépendance et d’une haine peu endurante de toute ingestion de police. M. Oliver n’en persista pas moins. Point d’enquête trop manifeste ni de pression trop brusque, mais une insistance polie sous le couvert d’une mission d’ordre public, quelques visites à l’appui discrètement renouvelées. A cet examen personnel, M. Oliver avait joint un questionnaire qu’il distribuait à tous ses ressortissans, entrepreneurs d’industrie, directeurs de travaux, ingénieurs, contre-maîtres, ouvriers. Le moyen ne réussit pas toujours. Les uns ne répondaient à aucune des questions qui leur étaient posées, d’autres n’en relevaient qu’un petit nombre pour les commenter à leur profit, d’autres enfin se jouaient du constable par des