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demandaient des sorties en masse ; depuis qu’il s’agit d’une opération générale, sinon d’une sortie en masse, quel est le langage de M. Blanqui ? « Après avoir envoyé les défenseurs de Paris en détail à la boucherie, on veut maintenant, dit-il, les expédier en bloc à l’abattoir. » Comment donc satisfaire M. Blanqui et avec lui le club de la salle Favié ou le club de la rue d’Arras ? Sans doute il n’y a pas que des clubs démagogiques, et même dans ceux où la démagogie domine on peut recueillir parfois des paroles sensées. Il y a peu de jours, au club de l’École de médecine, des protestations violentes s’élevaient contre le décret interdisant l’affichage des journaux. Un orateur venait de proposer au club de donner l’exemple de la désobéissance en faisant afficher une protestation contre ce décret attentatoire aux droits imprescriptibles des citoyens. Un républicain modéré, M. Geniller, eut le courage assurément fort méritoire de protester contre cet appel aux moyens révolutionnaires. « Le gouvernement, dit-il, est l’expression de la majorité, et sous une république plus que sous aucun autre gouvernement vous devez respecter la volonté de la majorité. Si, chaque fois qu’une mesure déplaît à la minorité, celle-ci se refuse à l’accepter, si elle se met en insurrection contre la loi, comment voulez-vous que la république puisse subsister ? Prenez-y garde, vous faites, sans le vouloir, cause commune avec ceux qui la déclarent impossible. Et vous ne compromettez pas seulement la république, vous compromettez aussi le droit de réunion. Quoi qu’on puisse dire du gouvernement, et malgré toutes les fautes qu’on peut lui reprocher, on doit convenir qu’il a montré jusqu’à-présent une rare mansuétude. Il est sans exemple que dans une ville en état de siège aucune liberté n’ait été suspendue, que la liberté de parler et d’écrire soit restée entière. Eh bien ! il faut éviter de la compromettre par des excès injustifiables. Les clubs en particulier sont encore vus avec méfiance par une grande partie de la population, et l’on ne peut pas dire qu’ils représentent l’opinion de la majorité. On les supporte sans les aimer ; s’ils se mettaient dans leur tort en faisant appel à l’insurrection, ils pourraient bien faire suspendre et ajourner pour longtemps peut-être la liberté de la parole, une de nos libertés les plus précieuses. » Le club applaudit avec chaleur ces sages paroles, ce qui ne l’empêchait pas, quelques instans après, de voter l’affichage de sa protestation contre l’interdiction de l’affichage.

On se moquait spirituellement au XVIIIe siècle de ce bon abbé de Saint-Pierre, qui voulait établir la paix perpétuelle, et qui avait trouvé, ajoutait-on, un moyen infaillible d’utiliser les moines et les marrons d’Inde. Nous ignorons s’il existe quelque moyen infaillible d’utiliser les clubs, mais nous n’en persistons pas moins à penser