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exécuter les règlemens sur les cantines, ne permettez plus que des sous-officiers établissent à leur compte des débits de vin et d’eau-de-vie, et ne tolérez plus surtout l’oisiveté dans laquelle on entretient les hommes. La faction achevée, des soldats n’ont-ils donc plus qu’à jouer et à boire ? Pourquoi ne pas donner quelques heures du jour à des exercices qui ne seront jamais trop répétés, ou à ces marches militaires prescrites depuis plus d’un mois, mais trop rarement accomplies ? Pourquoi ne pas obliger tant de bras inactifs à faire des corvées utiles, remuer le sol, transporter les déblais, construire ici des barricades, ailleurs placer des sacs à terre ? Dans les commencemens du siège, le génie demanda en vain de pareils services à la garde nationale ; les hommes les plus habitués par état aux travaux manuels furent ceux qui se récrièrent davantage, et des officiers, aux applaudissemens de leurs compagnies, répondirent : « Nous ne commandons pas des terrassiers, mais des soldats. » Phrase absurde ; à ce compte, nous voilà loin du soldat romain dont parle Végèce, pour qui c’était tout un de manier le glaive ou la pioche : ferrum gestare, fossam ducere, omis ferre ; duratis ad omnem laborum tolerantiam membris. Il faut y revenir, car les généraux de ce temps-là savaient leur métier. Quant à la discipline, vous la sauverez de même ; moins d’ordres du jour et plus d’actes, moins de menaces et plus de faits. Qu’on cesse d’user de ménagemens qui nous perdent ; ne laissez pas chômer les conseils de guerre ; soyez inexorable dans l’exécution des arrêts. Parce qu’on a eu la faiblesse de ne pas fusiller un homme, on risque quelquefois le salut d’une troupe. Il faudra réparer aussi, dans la mesure du possible, ce que les cadres ont de défectueux. Ayez un petit nombre d’inspecteurs sévères chargés incessamment de parcourir chaque secteur et munis de pouvoirs assez étendus pour qu’on redoute leur visite. Puisqu’il n’a pas été possible de créer des divisions, des brigades, des régimens, et que le bataillon demeure l’unité, ces inspecteurs serviront au moins d’intermédiaires entre les 266 chefs de bataillon et le commandant supérieur. Leur rôle consistera justement-à transmettre la direction générale, qui jusqu’ici a trop fait défaut dans l’organisation élémentaire que la nécessité a imposée. Que cette direction soit ferme, uniforme, constante, que nulle mesure ne soit hâtivement édictée sans qu’on ait pris le temps d’en étudier les effets ; en un mot, que tout soit pesé, afin que chacun soit mis à même de connaître nettement et une fois pour toutes son devoir. L’état-major général doit pouvoir exercer sur les officiers la même action qu’il demande à ceux-ci d’exercer sur leurs troupes. Cela fait, il ne restera plus qu’à entretenir dans nos rangs ce sentiment suprême qui fait les armées victorieuses. La dernière proclamation du général Trochu à la population de Paris, celle du général Ducrot aux soldats de la deuxième armée, sont de nobles modèles des seuls discours que, jusqu’à la paix, nous devions entendre

Maintenant, si l’attente des prochains combats laissait quelque repos