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pitaine de frégate d’André et du contre-amiral Pothuan. Ceux de Bicêtre ont bravement repoussé l’ennemi quand il est venu à Villejuif, l’ont tenu éloigné des Hautes-Bruyères avant que nos troupes réoccupassent ce poste important, et ils ont efficacement concouru depuis à le défendre, ainsi que les retranchemens de Cachan et du Moulin-Saquet. La garnison d’Ivry a eu de son côté plusieurs engagemens très vifs pour tenir l’assiégeant éloigné des approches de Vitry, et a déblayé par de vigoureuses décharges les bois qui masquaient la vue de Choisy-le-Roi. Dans les forts de l’est et du nord, des faits analogues ont rempli la première période du siège. La même activité a signalé des opérations plus récentes qu’avait précédées une reconstitution des troupes de mer réunies à Paris. Avec les bataillons de l’infanterie de marine et trois bataillons des marins fusiliers, on a formé une très belle brigade, placée sous les ordres de M. Salmon, capitaine de vaisseau. Cette brigade a opéré le 29 et le 30 novembre sur deux points, devant Choisy et Avron, et y a remporté de sérieux avantages, tandis qu’un détachement tiré d’une autre brigade formée à Saint-Denis enveloppait à Épinay un certain nombre de Prussiens et les faisait prisonniers. Enfin hier encore, dans les rues du Bourget, un bataillon de marins, sous les ordres du capitaine de frégate Lamothe-Tenet, se maintenait pendant près de trois heures au nord du village et jusqu’au-delà de l’église, luttant pour conquérir les maisons une à une sous les feux tirés des caves et des fenêtres, sous une grêle de projectiles. Il ne s’est retiré que faute d’avoir été utilement secouru, et après avoir laissé près de trois cents morts ou blessés sur le carreau.

Voilà nos marins, prompts à l’action, ne se ménageant ni à la besogne, ni devant l’ennemi. Peut-être aussi ont-ils les défauts de leurs qualités ; ils savent mieux dévouer leur vie que la défendre, quelques récits disent qu’ils sont entrés au Bourget le fusil en bandoulière et la hache à la main, offrant leurs poitrines à des tirailleurs savamment embusqués, sans prendre même les précautions qui eussent rendu les chances plus égales. Ce sont là des combats de dupes vis-à-vis d’adversaires qui usent de toutes les feintes et profitent de toutes les circonstances, qui ne se livrent jamais et savent épier le moment où l’on se livre. Qu’on y prenne garde, c’est à ce jeu périlleux que nous devons une partie de nos désastres. Après avoir usé de nos marins, on tend aujourd’hui à en abuser, à leur demander plus qu’ils ne peuvent et ne doivent faire. Naguère encore, au passage de la Marne, ils suppléaient les pontonniers. Au nombre de 250 environ, des gabiers et des matelots de pont fournis par les différens forts avaient été exercés à ce service près du Champ de Mars. Habitués au maniement des embarcations, leur