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Ainsi l’Autriche et l’Angleterre se trouvent fatalement conduites aujourd’hui à s’apercevoir que leur indifférence pour nous n’était pas précisément la meilleure des politiques, que notre patrie est pour elles une alliée nécessaire dans les grandes crises de l’Occident, que seules sans la France elles se trouvent désarmées contre ces actes de prépotence et de force qui sont pour leur politique une surprise et une déception. Si ce n’est la sympathie, c’est leur intérêt qui les lie à notre cause. On dit bien aujourd’hui, il est vrai, qu’il doit y avoir une conférence pour traiter toutes ces questions de l’Orient et du Luxembourg. Une conférence, soit : les résolutions de ce conseil diplomatique seront sans doute l’expression de toutes les incohérences actuelles. On élèvera quelques protestations pour le droit, et on laissera le fait courir bride abattue. Ce sera ainsi, à moins qu’un sentiment plus énergique ne ramène enfin l’Angleterre, l’Autriche, l’Italie, à la question qui est le nœud de toutes les autres, la question de la guerre actuelle et de l’inviolabilité de l’indépendance française.

Pour nous, quelles que soient ces péripéties, notre unique affaire, c’est de sauvegarder notre intégrité, de poursuivre notre défense à Paris comme en province. Que se passe-t-il aujourd’hui en province ? Nous sommes malheureusement réduits à des conjectures, à des espérances ou à des craintes toujours nouvelles. Ce que nous savons, c’est que nos armées existent, qu’elles sont fortes de leur nombre, fortes de leur patriotisme, et qu’elles ne sont pas près d’abaisser le drapeau de la France devant l’ennemi. À Paris, la lutte semble évidemment entrer maintenant dans une phase nouvelle. Les Prussiens ont commencé depuis quelques jours un bombardement violent, dirigé contre quelques-uns de nos forts, et qui est venu nous rappeler que nous étions une ville assiégée. Cette résolution des Prussiens peut être une concession aux impatiences de l’Allemagne, qui se lasse de voir se prolonger cette guerre ; elle peut être le résultat de la fatigue de l’armée ennemie, éprouvée par un long siège, elle peut être aussi assurément le dernier mot d’une combinaison suivie avec un calcul tenace. Dans tous les cas, Paris n’a qu’un devoir ; c’est de résister, de se défendre plus que jamais de toutes ces agitations qui se produisent souvent dans les crises suprêmes d’un blocus. Jusqu’ici, Paris a été un vaste camp retranché ayant des avancées, tenant l’ennemi à distance ; maintenant le cercle de feu se resserre, nous redevenons une place forte, il ne faut pas s’y tromper, et après avoir tenu pendant trois mois et demi vaillamment et fidèlement, sans désordre et sans confusion, Paris ne voudra pas sûrement compromettre l’honneur de ce siège, qui, sans vanité française, restera une des choses extraordinaires de ce siècle. Ce serait un étrange moment que choisiraient les agitateurs pour chercher à exploiter les inquiétudes et les souffrances d’une population assiégée, pour exciter les divi-