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où il mettait la dernière main à ce dernier volume, et alors qu’il préparait, même sous l’étreinte de la maladie, tant d’autres travaux. La Revue perd en lui un de ses plus anciens et de ses plus fidèles collaborateurs. Il y débutait en 1854 par une de ces études biographiques sur le xviie siècle où il savait apporter, grâce à une habile recherche des renseignemens inédits, une lumière nouvelle. Sa réputation avait commencé dès 1848, alors que l’Académie française couronnait son Histoire de la vie et de l’administration de Colbert, et l’Académie des Inscriptions son volume intitulé le Gouvernement de Louis XIV.

On ne pouvait pas mieux inaugurer la double carrière qui a été constamment la sienne, d’économiste et d’historien. Attaché de bonne heure à l’administration des finances et préparé de la sorte par des connaissances pratiques toutes spéciales, M. Pierre Clément appartenait comme économiste à l’école du libre-échange ; c’est en s’inspirant des doctrines libérales qu’il a jugé assez sévèrement l’œuvre de Colbert, et puis étudié celles des principaux financiers de l’ancienne France, Enguerrand de Marigny, Jacques Cœur, Semblançay, Sully, Law, d’Argenson, Machault d’Arnouville, les frères Paris, l’abbé Terray, le duc de Gaëte, le comte Mollien, série de biographies attachantes qui forme toute une histoire de notre administration financière. Le résumé de ses propres doctrines se trouve au reste dans son Histoire du système protecteur en France depuis le ministère de Colbert jusqu’à la révolution de 1848.

Mais M. Clément n’était pas un esprit exclusivement théorique ; il savait que l’économie politique est une science expérimentale, et il se gardait bien de perdre terre en s’égarant dans la région des conceptions idéalistes et arbitraires. Aussi le voyons-nous, après avoir invoqué dès ses débuts le secours de l’histoire, entraîné de plus en plus vers cet autre domaine. On conçoit que la pente se soit d’elle-même offerte, pour lui devenir bientôt irrésistible. Le contrôle financier, dans une grande société aussi fortement centralisée que l’était déjà, malgré bien des tempérament inconnus aujourd’hui, la société française du XVIIe siècle, est un centre où viennent aboutir toute action de l’administration civile et presque tout mouvement de la vie sociale.

De ce foyer commun, et à mesure qu’il découvrait de nouvelles sources d’informations, M. Clément pénétra dans les replis inconnus de la société française du temps de Louis XIV, par exemple dans les arcanes de la police, et l’on se rappelle ses curieuses, études sur le procès des poisons et la Brinvilliers, — dans les intrigues de cour, et on se souvient de ses volumes sur Mme de Maintenon et Mme de Montespan, jusque dans la société religieuse enfin, et d’heureuses rencontres de papiers inédits qu’il a faites nous ont valu ses intéressantes publications concernant l’abbesse de Fontevraut et la duchesse de La Vallière. À côté