Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complètement dans les campagnes, où l’on consomme cependant de mauvaises vaches qui meurent d’indigestion ou qui se cassent un membre. On doit même supposer qu’un jour viendra où on livrera à la boucherie beaucoup de chevaux encore en état de travailler, mais qui, en raison de leur âge, de la perte de la vue, d’une maladie des pieds ou d’une tare des membres, ne rendent que de médiocres services. Ces changemens dans les habitudes pourront même, nous le verrons, exercer une heureuse influence sur notre agriculture.

Au point où en est l’hippophagie au mois de janvier 1871, il n’est plus nécessaire de chercher à prouver que la viande des diverses espèces du genre cheval est nutritive, qu’elle contribue à maintenir les forces de l’homme, à rétablir la santé des malades ; il n’est plus nécessaire de citer les autorités, de rappeler les preuves qu’en ont données les auteurs. Si on n’est pas unanime sur le goût, la saveur de cette viande, les divergences s’expliquent par l’état des animaux abattus dans les boucheries, et à cet égard nous ferons remarquer qu’on ne pouvait pas juger de ce que peut être la viande d’un cheval en bon état d’après ce qu’était celle débitée dans les boucheries plus ou moins interlopes qui s’étaient ouvertes depuis une dizaine d’années.

On ne doit pas oublier de signaler un avantage que présente le cheval comme animal de consommation dans les circonstances semblables à celles que nous traversons. C’est une ressource bien précieuse pour les villes assiégées ; il s’y trouve dans les conditions hygiéniques auxquelles il est habitué, et qui sont généralement favorables à sa conservation. Il n’en est pas de même des bêtes bovines et des bêtes à laine qu’on y introduit comme approvisionnement. Il est difficile de les conserver en bon état ; on n’a pas des emplacement convenables pour les loger, et on manque le plus souvent de fourrage pour les entretenir ; elles se nourrissent de leur propre substance et maigrissent. La viande qu’on avait introduite diminue en quantité et perd en qualité, même en supposant que les animaux ne deviennent pas malades. Les chevaux au contraire sont entretenus dans leur état ordinaire sans aucun frais particulier jusqu’au moment où on les sacrifie. Le propriétaire qui les possède a ordinairement fait provision de fourrage pour les nourrir. À mesure que les provisions de fourrages s’épuisent, l’activité industrielle diminue, nous en avons un triste exemple dans ce moment, le travail se ralentit. On les abat progressivement à l’avantage de ceux qui les possèdent, — qui souvent ne peuvent plus les conserver, — et des assiégés qui s’en nourrissent. La qualité de la viande des chevaux livrés à la boucherie, loin de diminuer, aug-