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ces bataillons ne parvinrent jamais à se former ; quatre seulement furent réunis. C’est donc à un total d’un peu plus de 2,000 hommes qu’il faut réduire les chiffres si facilement adoptés par l’imagination populaire. L’assemblée législative du reste reconnut bientôt qu’elle s’était trompée. En un an, elle avait formé à grand’peine 168 bataillons, dont l’effectif réel n’était connu de personne, ainsi que l’avouait le ministre de la guerre lui-même. Nombre d’entre eux n’existaient que sur les états officiels ; beaucoup d’autres étaient tombés par les désertions à 2 et à 300 hommes, et quant aux soldats qui restaient sous les drapeaux, bien peu avaient la discipline, la patience, même simplement la force physique, qui font les armées solides. Il faut lire sur ce sujet les lettres de Montesquiou, de Kellermann et de leurs collègues, les rapports de M. de Narbonne et surtout les discours des membres de l’assemblée. L’appel aux volontaires avait été une erreur. Les députés le reconnurent, et ce mode de recrutement fut abandonné pour toujours. La loi du 11 juillet 1792, promulguée au lendemain de la séance où la patrie avait été déclarée en danger, ne laissait pas aux gardes nationales la liberté de partir ou de rester ; elle imposait à chaque compagnie l’obligation de choisir dans son sein par tel moyen qui lui plairait, au prorata des contingent demandés, un certain nombre d’hommes destinés à marcher à l’ennemi. La levée en masse de 1793 ne fut jamais qu’une application en grand de la loi du 11 juillet. Quelque temps, on donna aux gardes ainsi mobilisés le nom de volontaires ; mais on voit qu’en réalité ils étaient incorporés par réquisition. Ce fut la réquisition qui forma les armées de la république. Il ne faut donc pas prêter à la génération de 89 des mérites qu’elle n’a pas eus. La légende de ce temps glorieux nous expose à des erreurs d’autant plus dangereuses qu’aujourd’hui, comme toujours, les natures simples se plaisent à ces belles chimères, et, pleines de ces contes merveilleux, demandent avec ardeur au présent de se régler à l’image d’un passé qui n’a jamais existé. Les armées ne sauraient se recruter par des volontaires, même dans les jours où le patriotisme est au plus haut point : nous en avons fait deux fois l’expérience dans des circonstances solennelles. Pour quelques-uns qui ont l’énergie de ces sortes de résolutions, la foule attend qu’on lui ordonne d’agir, qu’on lui prescrive ce qu’elle doit faire. Le patriotisme alors, c’est pour les chefs de commander de grands efforts et de compter sur un courage qui ne faiblira pas, pour les gouvernés de répondre à la confiance des chefs.

Le gouvernement de la défense nationale revint le 9 novembre sur sa décision du 18 octobre, comme l’assemblée législative avait rapporté le 12 juillet la loi relative aux volontaires. Les lecteurs