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nation est extrême, il existe des espèces qui semblent incapables de se soustraire à des conditions de séjour strictement déterminées.

Jusqu’à l’époque actuelle, il était possible de croire qu’on avait une connaissance générale des populations de l’Océan, parce qu’on avait visité les côtes et observé les animaux nageurs qui s’égarent en haute mer. Quelques incidens ont suffi pour montrer l’erreur. Alors des explorations régulières ont été entreprises, et les découvertes sont venues. Faut-il le dire ? la France n’a pris aucune part à ces recherches pleines d’intérêt. De notre temps, des hommes de science ont eu la volonté d’accomplir une œuvre considérable, mais jamais les moyens d’exécution n’ont été obtenus. Pour explorer le fond des mers, il faut des engins très parfaits, des navires montés par des équipages un peu nombreux ; le concours de la marine est indispensable. En Angleterre, en Suède, aux États-Unis, des vaisseaux ont été mis avec empressement à la disposition de naturalistes qui avaient signalé l’utilité d’opérations propres à éclairer sur la nature du fond de la mer ; pareille fortune n’était réservée à personne parmi nous. Autrefois des expéditions quittaient nos ports pour aller vers des parages lointains, afin de recueillir des notions exactes sur quelques parties du monde. La France prenait un vif intérêt à ces entreprises, et se sentait honorée quand la moisson avait été heureuse ; mais est venu l’oubli de la gloire passée, et tandis que des esprits éclairés étaient encore agités par de nobles aspirations, l’indifférence générale les condamnait à n’avoir qu’un rôle effacé dans le mouvement auquel se livraient ailleurs des hommes d’étude.

Pourtant, au siècle dernier et dans le siècle actuel, la marine avait été appelée d’une manière presque incessante à contribuer aux progrès des connaissances humaines. Le 1er août 1785, La Pérouse, muni des instructions que tous les savans avaient été invités à fournir, partait pour une campagne de découvertes, ayant à son bord le naturaliste Lamanon. Après plusieurs années d’un silence qui faisait présager la fin malheureuse de l’expédition, suivant le désir exprimé par la Société d’histoire naturelle de Paris, l’assemblée constituante décrétait, le 9 février 1791, un voyage maritime pour rechercher les traces du navigateur, et le chevalier d’Entrecasteaux était désigné pour commander deux navires sur lesquels s’embarquèrent plusieurs savans, dont le mieux connu est le botaniste Labillardière. En 1800, c’est le capitaine Baudin qui reçoit la mission de constater la reconnaissance des côtes de la Nouvelle-Hollande et d’emmener les zoologistes Pérou et Lesueur. Il y a un temps d’arrêt, car la guerre est un obstacle ; mais, aussitôt la paix rétablie, on estime qu’il appartient à la France de reprendre l’œuvre