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tement estimé pour ses connaissances du monde de la mer, avait déclaré que ne la vie cessait vers la profondeur de 500 mètres. Le professeur d’Édimbourg, ainsi M. Mac-Andrew, avait fait draguer sans succès dans la mer Égée ; il n’en avait pas fallu davantage pour former la conviction de l’investigateur. Par suite de conditions toutes locales, Forbes avait vu le nombre des animaux décroître avec l’augmentation de la profondeur. Sans avoir atteint au-delà de 230, brasses.[1], environ 420 mètres, il s’était imaginé qu’à peu de distance la solitude était entière. On opposait bien au sentiment du zoologiste écossais quelques assertions contradictoires ; mais, comme ces assertions ne reposaient pas sur des faits observés avec rigueur, on y attachait peu d’importance.

Les hydrographes américains, préoccupés de l’établissement d’une communication télégraphique entre l’Europe et le Nouveau-Monde, venant à opérer des sondages avec des précautions qu’on n’avait jamais prises jusqu’alors, tirèrent de profondeurs qui variaient de 1,800 à 2,700 mètres des myriades de spicules d’éponges et une infinité de dépouilles d’êtres microscopiques. Ces débris furent soumis à l’examen d’un micrographe fort habile, M. Bailey. Telle est la force d’une croyance enracinée que le savant, un peu troublé par le doute, inclina, néanmoins du côté de l’erreur. Il pensa que seules des dépouilles entraînées par les courans avaient été déposées dans les parties les plus déclives du bassin, et que les animaux avaient vécu en d’autres lieux. Les sondages se multipliaient, et toujours la vase ramenée des grandes profondeurs se montrait abondamment peuplée des animaux microscopiques que l’on désigne, sous les noms de Foraminifères ou de Rhizopodes. Ces êtres, de l’organisation la plus simple, occupent dans la nature une place inimaginable. Les coquilles des foraminifères entrent pour une part énorme dans la composition des roches sédimentaires ; elles abondent dans le sable du littoral, elles comblent des ports et des golfes. Longtemps les animaux mêmes échappèrent à l’observation, et seules, ces petites coquilles, quelquefois simples, mais généralement formées de plusieurs chambres criblées de trous, étaient le sujet d’études attentives. Les êtres qui, habitent de pareilles demeures semblent consister en un tissu homogène, gélatineux et susceptible de s’étirer dans tous les sens ; c’est ainsi que sortent par les trous de la coquille de minces filamens servant à une locomotion dont la lenteur est extrême. Parmi les foraminifères, il y a des genres nombreux ; mais nous aurons surtout à citer les globigérines, dont la coquille présente une spire tournée obliquement, et les orbulines,

  1. Il s’agit ici de la brasse anglaise, fathom, qui équivaut à 1m,82877.