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même de Garibaldi, qui, en trois mois, se sont trouvées en état de combattre, de reprendre par instans une offensive heureuse. À Paris, on nous bombarde, et quel est le résultat de cette violence nouvelle ? Paris a ressenti tout simplement cette mâle émotion des crises suprêmes qui approchent, il n’a pas faibli un instant. Les Prussiens peuvent en prendre leur parti, Paris n’est pas près de mourir de faim ou de peur ; il fera encore attendre tout le temps qu’il faudra ces civilisateurs qui ne savent marcher que la torche et le fer à la main, de sorte qu’après ces cinq mois de campagne les armées allemandes ne sont guère plus avancées qu’après Sedan puisqu’elles se trouvent retenues devant Paris, bien résolu à se défendre, et menacées par nos armées de province, qui tourbillonnent autour d’elles, prêtes à faire irruption sur leurs lignes. Elles sentent monter la marée de la résistance patriotique qu’elles ont suscitée.

M. de Bismarck, il est vrai, a plus d’une ressource dans son génie, et ce n’est certes ni la hardiesse qui lui manque, ni le scrupule qui l’arrête dès qu’il s’agit d’interpréter les événemens dans son intérêt, de répandre les fables les plus grossières pour essayer de faire illusion à l’Europe, surtout pour entretenir le feu sacré en Allemagne. Faute de pouvoir abattre la France aussi vite qu’il l’aurait voulu et qu’il l’espérait, il la diffame ; il travestit ses efforts, sa défense, ses révoltes contre l’invasion, et il trouve, à ce qu’il paraît, des alliés dans ce camp d’émigration bonapartiste qui, au lieu de se faire prudemment oublier, s’est donné un journal à Londres. Ces bons apôtres, le ministre prussien et ces derniers sectaires de l’impérialisme étaient bien faits pour s’entendre ; ils sont du moins merveilleusement d’accord pour noircir la France, pour la représenter comme un foyer d’anarchie. — À les entendre les uns et les autres, depuis que nous n’avons plus l’empire et depuis que nous avons refusé de livrer nos patriotiques provinces de l’est à la rapacité allemande, nous n’existons plus, nous roulons de jour en jour dans la confusion et le désordre. Le pays tout entier plie sous le terrorisme organisé par notre gouvernement. M. Gambetta a particulièrement le don d’agacer les Allemands, et c’est à coup sur un titre pour le jeune ministre qui anime de son feu la défense nationale en province. Le Moniteur prussien nous l’assure, nos armées de la Loire et du nord sont formées par la violence tyrannique. À Paris même, ce n’est pas moins effroyable ; ce sont les rouges qui règnent et dominent. Les rouges sont partout enfin ; ce sont eux, à n’en pas douter, qui infligent au pays la guerre à outrance. Et puis où conduit-on la France avec cette guerre qu’il serait si facile de terminer en cédant tout ce qu’on nous demande ? On ruine les finances, on épuise les réserves, bientôt il n’y aura plus d’argent, même pour acheter le blé qui nous manque, de sorte que, tout compte fait, nous nous trouvons placés par notre obstination à nous défendre entre la faim qui nous presse et les