indignes d’un peuple qui se respecte, lorsqu’au grand étonnement de l’Europe on les a vus se reproduire en 1866 de la part de la Prusse. L’Allemagne si soumise aujourd’hui, victime il y a quatre ans, avait réclamé contre ces abus de la force, et l’honorable M. Bluntschli écrivait dans son Code international : « Le droit des gens refuse aux armées établies sur territoire ennemi le droit d’exiger des villes ou des particuliers d’autres contributions que celles absolument indispensables pour subvenir à l’entretien et aux mouvemens de l’armée. Les lois de la guerre n’autorisent pas les réquisitions purement pécuniaires. » Et, d’accord sur ce premier point avec tous les grands publicistes ses prédécesseurs, le célèbre professeur d’Heidelberg avait le courage d’ajouter : « On n’a pas assez respecté les vrais principes dans plusieurs guerres récentes, même dans la dernière guerre d’Allemagne en 1866, et les Prussiens ont levé sans motifs suffisans des contributions en argent dans quelques-unes des villes qu’ils ont occupées. L’Europe actuelle n’admet plus cette façon d’agir, reste des temps barbares. » Vous l’entendez, c’est un des vôtres qui parle, et des plus autorisés. En effet, dans les usages de la guerre civilisée du XIXe siècle, on ne reconnaissait plus le droit de piller, le droit de détruire, le droit d’extorquer de l’argent pour payer les soldats, remplir les caisses, satisfaire la cupidité des troupes ou des chefs. Ces pratiques appartenaient à un passé hautement répudié. De même que l’ennemi n’avait plus le droit de contraindre les vaincus à recruter ses bandes décimées par la guerre, de même on ne lui concédait plus le droit d’arracher au vaincu son argent pour continuer la guerre contre lui. Le droit de la nature, le droit de la civilisation, qui restreignent la guerre au caractère politique, c’est-à-dire à la relation hostile d’état à état, avaient condamné définitivement ces procédés, car un peuple est tenu d’être honnête tout comme l’homme privé. Allemands et Français, nous étions unanimes pour proclamer ces principes, et je ne crois pas que l’histoire en mette l’oubli à notre charge. Les guerres de 1823 en Espagne, de 1828 en Morée, de 1854 en Crimée, de 1859 en Italie, rendront témoignage pour nous. Si la règle du monde moderne est aujourd’hui bouleversée, rendons-lui son caractère et sa grandeur. C’est un crime contre le droit et l’humanité que de dépasser le but légitime de la guerre ; c’est une usurpation de la puissance de Dieu que de prétendre juger et punir un peuple indépendant, souverain, en lui reprochant son caractère, ses mœurs ou son esprit, et de s’attribuer la mission de lui infliger un châtiment ; c’est une déplorable aberration que de faire d’un tel dessein l’objet de la guerre ; c’est une folie condamnable de transformer un dissentiment politique en une aversion de peuple à peuple, de religion à religion, de race à race,
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