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de commune, quelques misérables exerçaient une dictature politique. Les dignes héritiers de ces dictateurs ont essayé de se glisser au pouvoir à la faveur du même mot équivoque le 31 octobre 1870. Comment les a-t-on rejetés dans l’ombre ? En instituant le lendemain par l’élection des maires un vrai pouvoir municipal. La commune régulière, renfermée dans les attributions municipales, est donc précisément le contraire, le contre-poison de la commune révolutionnaire ; mais depuis quatre-vingts ans le nom a tué le droit, commune est synonyme de violence. Hôtel de Ville signifie révolution.

Avez-vous vu faire une révolution ? C’est un drame en cinq ou six tableaux ; les rôles sont connus ; chaque scène se passe dans un lieu marqué d’avance. On médite la révolution aux Tuileries, on la prépare au Palais parmi les avocats, on la propage par les journaux, les clubs et les ateliers, on l’exécute au corps législatif, et on l’installe à l’Hôtel de Ville. Dans les pays de droit divin, les usurpateurs se rendent à la basilique, où le pontife consacre leurs triomphes ; ils vont à l’Hôtel de Ville dans les pays de droit populaire. Ce que l’on peut appeler les fonts de baptême des pouvoirs nouveaux change de place ; mais il est bien injuste d’accuser l’Hôtel de Ville de faire les révolutions ; il les reçoit quand elles sont toutes faites. Pas plus en 1870 qu’en 1848, ce n’est de la municipalité de la veille qu’elles sont sorties ; leur premier acte est de la remplacer.

Il sera indispensable après la guerre d’en finir avec cette confusion de mots, et de distinguer nettement par de bonnes lois, tant à Paris que dans le reste de la France, le régime politique et le régime municipal. La révolution du 4 septembre a d’ailleurs saisi Paris en pleine crise de réorganisation intérieure et de liquidation financière. Le siège de Paris, l’administration sans règle et sans contrôle de la mairie provisoire, l’élection et l’indemnité des maires d’arrondissement, l’interruption de l’octroi, la transformation de l’assistance publique, les dépenses imposées par l’armement et l’alimentation, auront ajouté aux anciennes difficultés des complications énormes. À quel système devra-t-on recourir pour porter l’ordre dans ce chaos ?

La solution dépend du point de vue auquel on se place, et les faits du siège de Paris sont, je crois, de nature à diriger le choix sur l’un des trois systèmes entre lesquels on peut hésiter.

Il y a deux modes extrêmes. L’un est celui de M. Haussmann, qui avait fini par porter dans ses maximes la hardiesse et l’habileté impossibles à contester dans ses actes. À ses yeux, il n’y avait pas de Parisiens ; la ville était une auberge de riches et d’ouvriers, une sorte de gare centrale de l’Europe, en même temps que le siège du gouvernement. C’était au gouvernement, selon lui, à faire les hon-