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ses officiers aient été primitivement désignés par l’autorité. Elle n’a pas eu comme les corps des anciens volontaires le honteux spectacle d’élections désordonnées s’égarant sur des vantards, sur des buveurs, sur des héros de club et de cabaret. Elle a eu dès l’abord des chefs en général estimables, tout au moins sérieux, instruits. Leurs devanciers de la révolution n’ont réussi à le devenir qu’à travers des élections successives qui, par la force des choses, ont été s’améliorant peu à peu, jusqu’à ce que les fautes, les scandales, les déroutes eussent ouvert les yeux des législateurs et forcé les ministres de la guerre à rejeter des pratiques funestes. Ce ne sont pas seulement les mauvais choix qui ont été à peu près épargnés à la garde mobile. Le principe de l’élection entraîne forcement la multiplication des grades et des corps. Tout officier non réélu conserve ses mandataires fidèles, qui parviennent bientôt à constituer de nouveaux bataillons. De là cette avalanche de lieutenans, de capitaines, de commandans qui reçurent le nom d’épauletiers, et chargèrent les états-majors et les budgets beaucoup plus que la liste des défendeurs du pays. La seule réorganisation des volontaires républicains de la Vendée et de la Bretagne amena la déchéance de vingt à trente mille officiers, tous pourvus d’un brevet et d’une solde, mais pas toujours d’un soldat.

Il ne faut pas croire que la prévoyance des chefs n’ait eu lieu de s’exercer que dans les départemens, et que leur action paternelle en faveur de leurs hommes ait trouvé le repos une fois qu’ils eurent passé les portes de Paris. Par une mesure forcée peut-être, mais heureuse en définitive, une sorte de commission administrative fut aussitôt organisée dans chaque bataillon. Ces petites troupes de secours ont été gouvernés et pourvues comme autant de communes réfugiées dans nos remparts. Les mobiles n’étaient vêtus, comme on s’en souvient, que d’une blouse de toile ; on était en septembre, les nuits devenaient froides, et déjà les soldats veillaient à tour de rôle aux remparts. C’est à peine si quelques compagnies de la province avaient leur tunique de drap ; pour notre part, dans ces bataillons qui entrèrent à rangs pressés dans Paris du 10 au 14 septembre, nous n’en vîmes qu’un seul, celui d’Amiens qui portât le vêtement d’ordonnance. On autorisa les corps d’officiers à traiter directement avec les fournisseurs : il y eut entre les départemens une merveilleuse concurrence de zèle, de rapidité, de savoir-faire. Les draps furent enlevés en un clin d’œil ; jaquettes, vareuses, vestons et vestes furent coupés, cousus, livrés comme par enchantement. De là cette diversité de couleurs et découpes. Ici dominait le pantalon bleu de fer fidèle à l’uniforme ; là, le pantalon gris moins régulier faisait bonne contenance. Tel département portait la jaquette à boutons