Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES


LES HAINES NATIONALES




LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE




Toute guerre semble devoir engendrer des haines nationales. Des griefs purement politiques ne touchent que le petit nombre ; les masses ne comprennent bien la guerre et n’en acceptent aisément les sacrifices que sous la forme d’injustices à punir ou d’injures à venger. Aussi dès qu’une rupture est imminente entre deux peuples, tout ce qui peut les exciter l’un contre l’autre trouve aisément crédit des deux parts. Toutes les rancunes de date ancienne ou récente se ramassent en un seul sentiment de colère, que viennent bientôt alimenter les violences trop réelles inséparables de l’état de guerre Ces haines si subitement écloses tombent en général avec le motif qui les a fait naître. La paix ramène des intérêts et des besoins qui s’accommodent mal de ces sentimens. La guerre d’ailleurs par un effet qui peut d’abord paraître contradictoire, travaille souvent à les affaiblir : en rapprochant ceux qu’elle met aux prises, elle leur apprend à se connaître, à s’estimer. Tout en s’entre-tuant, ils se sentent unis par la communauté des devoirs, et la lutte des armes leur donne l’occasion de rivaliser des mêmes vertus. Or ces vertus, auxquelles aucune armée n’est entièrement étrangère, sont