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efforts qu’il a tentés pour rentrer à Paris, sa disparition depuis cette époque.

En définitive, le service de la cour d’appel et celui du tribunal n’auront pas plus souffert de l’absence des magistrats que celui de la cour suprême. Qu’est-ce donc après tout que le Palais à cette heure ? L’aspect général est celui des lieux où d’ordinaire se porte la foule, et dont la solitude n’était hier encore troublée que par le bombardement. Sous ces voûtes sonores, l’éclat strident des obus qui tombaient à quelques pas de distance sur les blessés du Val-de-Grâce, sur les amphithéâtres de l’École de droit et de l’École de médecine, sur le Collège de France, sur toute la population du quartier latin, était à chaque instant répercuté d’une façon sinistre. De rares avocats circulent des chambres de la cour et du tribunal à celles des conseils de guerre de la garde nationale et du conseil de révision. Suivons-les dans ces tribunaux que nous a faits l’investissement, et qui remplacent en quelque sorte pour le moment les juridictions ordinaires. Dans le dur et glorieux service qui lui a été confié, la garde nationale est assimilée à l’armée et astreinte aux lois qui la régissent en face de l’ennemi. Pendant la durée du blocus, les crimes et les délits commis par les gardes nationaux, même en dehors du service, sont jugés par des conseils de guerre conformément au code de justice militaire. Ces conseils, au nombre de neuf, un par secteur, se tiennent alternativement dans les chambres civiles du tribunal. C’est à coup sûr un spectacle nouveau pour l’habitué du Palais que celui de ces audiences, où brille sur les sièges ordinaires des magistrats l’uniforme des différens grades de la garde nationale auxquels est empruntée la composition des conseils de guerre. Le ministère public et le capitaine-rapporteur ont eux-mêmes l’uniforme du grade que leur confère la fonction auprès du conseil, bien qu’ils appartiennent au barreau. Pour instruire les affaires et soutenir l’accusation à l’audience, il fallait des hommes qui eussent la connaissance exacte des lois qui règlent les poursuites criminelles. C’était au commandant supérieur de la garde nationale à les désigner ; il s’adressa au conseil de l’ordre, et le pria de lui signaler les avocats qui pourraient le mieux remplir ces fonctions. Or les avocats portés sur la liste du conseil, jeunes encore, étaient dans les rangs de la garde nationale et désiraient y rester. Ils furent néanmoins requis par le commandant de la garde nationale. Ils s’adressèrent à leur tour au gouverneur de Paris, et le sollicitèrent d’arrêter son choix avec le commandant de la garde nationale sur d’autres candidats. « Que voulez-vous qu’on fasse ? leur fut-il répondu. Il s’agit d’instruire des affaires, souvent délicates, conformément aux lois ; voulez-vous qu’on prenne des maçons ? » L’argument, tout militaire, était sans réplique ; chacun se mit à l’œu-