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LA RÉSISTANCE


DANS LA MOSELLE




Au milieu de nos tristesses et de nos désastres, l’honneur de la France sera du moins sauvé par les efforts individuels, par l’énergie de quelques-uns de ses enfans. Ni le dévoûment, ni le courage, n’auront manqué au pays ; partout, sur tous les points du territoire, des hommes de cœur ont su mourir autour du drapeau, même sans espérance. Si nous voulons rester justes envers nous-mêmes et ne pas trop désespérer de l’avenir, ne relevons pas seulement l’incapacité de nos politiques et les fautes de nos généraux ; pensons aussi à ces combattans obscurs, à ces soldats inconnus qui se sont sacrifiés au devoir avec une simplicité héroïque, tout en sachant que la patrie, pour laquelle ils mouraient, ne connaîtrait peut-être jamais ni leur nom ni leurs actes. Dans nos engagemens les plus malheureux, on signale parmi nos jeunes troupes des traits de bravoure individuelle qui honorent une défaite.

De toutes ces victimes volontaires du patriotisme, les moins intéressantes ne sont pas celles qui, enfermées dès le début de la campagne dans les places fortes de nos frontières, séparées absolument du reste de la France, investies et bombardées, après avoir lutté et souffert pendant de longs mois sans espoir de secours, sans nouvelles de nos armées, ont résisté jusqu’au jour où le pain et les munitions manquaient à leur courage, où il ne restait plus à personne un seul asile assuré contre le feu de l’ennemi. Un des traits les plus caractéristiques de cette guerre et les plus honorables pour nous, c’est qu’aucune de nos forteresses ne s’est rendue avant d’avoir épuisé toutes ses ressources, qu’aucune n’a été prise d’assaut, et que la famine seule ou les souffrances de la population civile en ont forcé les défenseurs à déposer les armes, après les batailles d’Iéna et d’Auerstædt, en moins d’un mois, la