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consoler en rejetant la responsabilité du dénoûment sur tous ceux qui ont mis la main à la défense commune.

Assurément, nous ne voulons pas dire le contraire, ce gouvernement du 4 septembre qu’un effroyable désastre militaire jetait au pouvoir, et qui devait lui-même avoir son étape cruelle dans cette voie de patriotiques épreuves où nous sommes entrés, ce gouvernement n’est pas sans reproche. On peut bien l’accuser : d’abord cela soulage de trouver un coupable de toutes les fautes et de tous les revers dans ces crises extrêmes, et puis tout n’est point évidemment injuste dans ce qu’on dit de ce malheureux gouvernement. Il a péché souvent par condescendance et par faiblesse, par défiance des autres et de lui-même, par inexpérience et par hésitation ; il a porté la peine de son origine et de son incohérence en face d’une situation qui eût fait pâlir les gouvernemens les plus éprouvés. Tout ce qu’il aurait pu faire, il ne l’a certainement pas fait, et en revanche il a laissé faire bien des choses qu’il aurait pu ou qu’il aurait dû empêcher. Il a vécu un peu à la grâce de Dieu, sacrifiant à la popularité, suivant pas à pas l’opinion dans ses mobilités ou dans ses faiblesses, au lieu de la conduire, et ne se considérant jamais assez comme un capitaine qui a seul la charge de son navire dans la tempête. Ce qu’on peut dire de lui, nous ne l’ignorons pas. Si dès la première heure il avait cherché à déconcerter cet investissement progressif qui a fini par nous étreindre jusqu’à nous étouffer ; si, au lieu de préparer de grandes batailles plus meurtrières qu’efficaces, il eût multiplié les opérations autour de Paris sans laisser un instant de repos à l’ennemi ; si en certains momens il eût déployé toutes les forces de la défense avec plus de suite, avec une persistance mieux combinée, il serait arrivé peut-être à changer la fortune du siège, tout au moins à créer de grands obstacles à ces armées allemandes successivement accumulées devant nous, ou, s’il ne pouvait mieux faire, à les occuper, à les retenir, pour les empêcher de se porter sur nos armées de province. Si novices que fussent les forces qu’il avait sous la main, il pouvait les employer, les aguerrir, puisque tout le monde lui demandait un signal d’action, et il ne se serait pas du moins exposé à ce reproche qu’on lui adresse aujourd’hui d’avoir suscité un élan dont il n’a rien fait. Si, au lieu de craindre d’inquiéter la population en lui mesurant les vivres, il eût songé il y a deux mois à rationner le pain comme il rationnait déjà la viande, il eût évité sans doute bien des gaspillages, et même avec un assez large rationnement nous ne serions pas aujourd’hui au bout de nos dernières ressources ; si dans toutes les parties de l’administration il y avait eu autant d’expérience et de prévoyance que de bonne volonté, il est clair qu’on eût évité bien des bévues et qu’on aurait pu prolonger la défense sans aggraver les souffrances de la population, en allégeant au contraire toutes ces privations, toutes ces vexations qui ont été une des misères du siège. Si enfin le gouverne-