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Marius réussit à écraser près d’Aix et de Verceil ces hordes descendues des bords de la Baltique. Un débris des Cimbres parvint pourtant à s’installer dans la Gaule belgique, et il donna naissance à la nation des Aduatuques. Les dissensions des peuplades gauloises favorisaient au reste ces entreprises audacieuses. Peu d’années avant la conquête de la Gaule par les Romains, les Suèves, une des plus importantes nations de la Germanie, avaient ainsi trouvé un chemin facile pour y pénétrer. Appelé par les Séquanes pour les soutenir contre leurs ennemis, les Éduens, Arioviste n’avait pas tardé à imposer son joug à ses alliés, et avait établi les Suèves sur leur territoire. Déjà 120,000 Germains venaient d’enlever aux Séquanes un tiers de leur pays, et une nouvelle tribu germanique, les Harudes, réclamait un second tiers. La Gaule était menacée de tomber au pouvoir des Germains, César la sauva en forçant Arioviste à repasser le Rhin. Plus tard, il défit d’autres peuplades germaniques, qui, après avoir gagné les bords de la Meuse et du Rhin inférieurs, s’apprêtaient à occuper la Gaule belgique. Devenue province romaine, la Gaule servit de boulevard à l’empire contre les invasions germaniques toujours menaçantes. Il fallut élever contre elles des lignes de forteresses, des retranchemens bien gardés. Aucun peuple, au dire de Tacite, ne donna plus que les Germains à faire aux légions, aucun ne fut plus redouté des maîtres du monde. Chez quelques-unes de ces peuplades, les Cattes notamment, on remarquait déjà cette rigide observation de la discipline qui fait la force des armées prussiennes, cette tactique habile qui a déjoué notre bravoure. Tous ces barbares étaient d’un courage persévérant ; ils avaient à leur tête des chefs auxquels ils obéissaient avec dévoûment, et qui leur donnaient l’exemple du mépris du danger. Durant trois siècles, les Romains eurent beau repousser les Germains, ceux-ci revenaient toujours, profitant des fautes des généraux que l’empire leur opposait, des troubles dont il était périodiquement agité ; loin de diminuer, le chiffre de leur population ne faisait que croître. Tandis que l’Italie s’épuisait d’hommes, que les mariages devenaient stériles ou y restaient peu féconds par le désordre des mœurs ou le calcul intéressé des parens, les Germains, race prolifique et forte, méritaient les louanges de Tacite pour la chasteté de leurs épouses. « Chez eux, écrit le grand historien, limiter le nombre de ses enfans, ou faire périr des nouveau-nés, est un crime, et les bonnes mœurs y ont plus d’empire qu’ailleurs les bonnes lois. »

Les Romains purent vaincre les Germains, s’avancer jusque sur les bords du Weser et jusqu’au littoral de la mer Baltique, mais ils ne se les assimilèrent pas. Pour protéger plus efficacement leur frontière, ils en furent parfois réduits à favoriser de ce côté du Rhin l’émigration de certaines nations germaniques, cherchant à les