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gnole a cessé, les métis et les Indiens tendent à constituer presque exclusivement la population ; c’est ce qui advint dans toutes les contrées où Rome avait envoyé ses colons ; quand les Latins n’y affluèrent plus, l’élément indigène l’emporta. Aux ixe et xe siècles, ceux qu’on appelait les Francs n’étaient plus guère en réalité que des Gaulois, des Gallo-Latins, et un siècle plus tard la langue tudesque avait à peu près disparu de notre pays. Au-delà du Rhin au contraire, la population demeurait germanique et gardait son idiome, ses usages, son type. Une scission s’opéra donc tout naturellement dans l’empire carolingien, et lors du partage que les fils de Louis le Débonnaire firent des états de leur père en 843, Charles le Chauve eut la partie franque, c’est-à-dire gauloise, et Louis la partie germanique. Quant à l’Italie, à cette terre restée latine en dépit des invasions des Goths, des Hérules et des Lombards, elle fut le lot de Lothaire avec une longue bande qui s’étendait entre les royaumes de ses deux frères, et pour la délimitation de laquelle le traité de Verdun consulta plus les convenances de la politique que les intérêts des populations. Toutefois la partie des états du fils aîné de Louis le Débonnaire qui confinait la France au nord et à l’est présentait sous le rapport ethnologique un caractère particulier ; c’était à peu près l’ancien royaume d’Austrasie, où les élémens gallo-romain et germanique ne s’étaient qu’imparfaitement fondus et demeuraient juxtaposés. Les Alamans, les Ripuaires, qui avaient pénétré dans l’Alsace, la Lorraine, et ce qu’on appelle aujourd’hui les provinces rhénanes, ne s’étaient point complètement substitués aux descendans des Séquanes, des Leuces, des Médiomatrices et des diverses nations de la Gaule belgique. Tandis que dans la vallée de l’Ill ils avaient rencontré les Triboques, peuplade germaine dont l’émigration précéda de plusieurs siècles la leur, plus à l’ouest ils s’étaient trouvés en présence de véritables Gaulois. Les tribus friso-saxonnes qui avaient envahi avec les Ripuaires le nord de la Gaule belgique y avaient apporté leur langue et introduit leurs institutions. Au moment du traité de Verdun, ces contrées n’appartenaient donc franchement ni à l’une ni à l’autre race. Lorsque les trois fils de Lothaire Ier se distribuèrent son empire, cette marche, placée entre la région des Celtes et la région des Allemands, constitua un royaume à part, qui prit le nom de son prince Lothaire II, nom qu’elle a gardé depuis (Lotharingia, Loherregne).

Le caractère mixte de la population de la Lorraine, qui embrassait alors non-seulement la province entière ainsi désignée, mais l’Alsace, la Basse-Lorraine ou Lorraine de la Meuse, une partie de la Flandre et du royaume actuel de Belgique, quelques parties de la Suisse, de la Franche-Comté, fut cause que les deux empires, l’empire franc et l’empire germanique, élevèrent des prétentions sur la possession de