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donnait chez elle asile à une foule d’Italiens qui se partageaient les emplois et le gros négoce. Et d’ailleurs l’influence que la France d’alors cherchait à exercer en Italie, c’était non plus à l’Allemagne, mais à l’Espagne qu’il la fallait arracher. Nos rois mirent un siècle à rejeter au-delà des Pyrénées cette altière rivale, qui moins encore que l’Allemagne avait effacé la nationalité des provinces françaises qu’elle régissait, car elle n’eut jamais aucune puissance d’assimilation. Les traités des Pyrénées, d’Aix-la-Chapelle (1668), de Nimègue (1678) rendirent à la France les Pays-Bas, qui avaient jadis dépendu de sa couronne ; il fallut que Louis XIV conquît deux fois la Franche-Comté pour s’en assurer définitivement la possession.

L’Espagne abaissée, la France se retrouva en face de l’empire, occupé à relever ses ruines et toujours prêt à faire cause commune avec nos ennemis. Il était loin en effet d’avoir renoncé à ses projets d’agrandissement. En Italie, il cherchait à reprendre son ancienne influence. Richelieu et Mazarin avaient travaillé à réduire la maison d’Autriche en favorisant l’émancipation des princes électeurs. Louis XIV poursuivit la politique de ces deux ministres ; son but, c’était de reprendre ce que nous avaient enlevé depuis une suite de siècles les envahissemens de la race germanique et les empiétemens de l’empire, L’Autriche songeait alors plus à s’assurer la possession héréditaire de la Hongrie et à repousser les Turcs qu’à reconstituer l’empire des Habsbourg. Une partie de la Lorraine, dont la région la plus française, les Trois-Évêchés, nous avait été rendue dès le règne d’Henri II, l’Alsace, que sa situation géographique avait toujours rattachée en fait à la France, diverses places ou divers cantons des Pays-Bas et des contrées rhénanes firent retour à la mère-patrie, après bien des siècles de séparation, et sous Louis XV l’accession du duché de Lorraine vint compléter cette restitution du domaine gaulois que les victoires de la république française se chargèrent de parachever. Étaient-ce des conquêtes dictées par l’esprit d’envahissement ou de simples revendications ? La France ne dépassait assurément point par ces accessions les frontières que la nature lui a tracées. Là où elle ne s’agrégeait pas des peuples de sa langue et de son sang, elle laissait du moins leurs biens aux possesseurs antérieurs du sol ; elle laissait à l’Alsace sa langue, et, tout intolérante qu’elle fût alors à l’égard des calvinistes français, elle respectait la liberté de conscience des luthériens de cette province. Elle appelait les nouveaux adoptés à jouir des bienfaits de la patrie commune ; elle ne subjuguait pas un peuple pour lui substituer le sien, et la preuve que ce fut une adoption, non une conquête, c’est que les derniers venus dans la grande famille française, les Alsaciens, les Francs-Comtois, les Lorrains, sont les plus attachés à notre nationalité, s’indignent à l’idée de ne plus y