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ces derniers temps par quelques-uns de nos grands fermiers. L’agriculture doit beaucoup aux machines, elle le reconnaît, et, lorsque la guerre a éclaté, l’un des thèmes favoris des meetings de cultivateurs, c’était de rechercher par quels moyens on pourrait en propager l’usage. Dans le midi même, dans deux congrès qui furent tenus l’an dernier, l’un à Agen, l’autre à Valence, la diffusion des machines agricoles fut un des principaux sujets inscrits au programme. Le congrès de Valence émit un vote en faveur de la fondation par les sociétés d’agriculture de concours spéciaux où chaque espèce de machines fonctionnerait en temps opportun et pendant plusieurs jours. En effet, ces sortes de concours ont l’avantage d’intéresser profondément des spectateurs que laisserait parfaitement froids la vue d’un engin au repos exposé au Palais de l’Industrie ou dans tout autre lieu semblable. Ils sont en outre de véritables marchés pour les constructeurs, qui attachent le plus grand prix aux médailles qu’ils obtiennent, et ne manquent jamais de faire célébrer leurs succès dans les annonces des journaux. L’émulation qui s’établit entre eux profite d’autant à leur clientèle, car il est rare qu’à la suite de ces comparaisons publiques ils n’arrivent pas soit à corriger quelques imperfections des instrumens, soit à en abaisser le prix de vente par le salutaire effet de la concurrence. Certaines sortes de machines coûtent pourtant encore assez cher pour que beaucoup de cultivateurs hésitent longtemps à les acquérir, bien qu’ils en apprécient les services. Cette difficulté devra s’amoindrir à mesure que les machines se répandront davantage, et que les fabricans en livreront des quantités plus grandes sans augmenter pour cela leurs frais généraux. Un des agronomes les plus estimés du Languedoc, M. Gourdon, faisait au congrès d’Agen une remarque qui, en temps ordinaire, est pleine de justesse. Il constatait que généralement en France c’est à l’achat de parcelles de terre que le cultivateur consacre la plus grosse part de ses bénéfices. Le malheur, disait-il, le très grand malheur de nos campagnes est que chacun aspire à étendre indéfiniment sa culture, à se charger d’une exploitation qu’on trouvera relativement énorme, si l’on met en regard l’insuffisance des moyens. Ne serait-ce pas un placement plus sage d’employer son épargne à l’achat de bons instrumens, source assurée de revenu, si l’on apprend à s’en servir ? — Voilà d’excellens conseils, et meilleure encore est l’idée qu’ont mise en pratique d’autres agronomes, manceaux et lorrains, en fondant dans la Sarthe et dans la Moselle ce qu’ils ont appelé des sociétés de matériel agricole. Ces associations, qui ne se proposent pour elles-mêmes aucun bénéfice, achètent des machines et des instrumens de toute sorte, les exposent, les font concourir, et les revendent ou les louent