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n’en fait satisfaction au roi, défenseur de la foi. Le roi possède sa liberté en fait de temporel depuis plus de mille ans. Le pape veut le dépouiller de son plus beau privilège, qui est « de n’avoir pas de supérieur et de ne craindre aucune repréhension humaine. » Les papes feraient mieux de rester pauvres ; quand ils l’étaient, ils étaient saints.

III. — Quæstio de potestate papæ. Ce traité, commençant par Rex pacificus Salomon, fut publié anonyme dans la seconde édition (1614, petit in-8o) du Recueil des actes de Boniface VIII et de Philippe le Bel (feuillet 58 jusqu’au feuillet 93). Il y est rapporté à l’an 1300 à peu près. Dupuy le reproduisit dans les Preuves de son Histoire du différend d’entre le pape Boniface VIII et Philippe le Bel, roy de France, pages 663-683. C’est par erreur que M. Boutaric l’a identifié avec le traité De utraque potestate, commençant par Quæstio est utrum dignitas pontificalis, qu’on a faussement attribué à Gilles de Rome. M. de Wailly a prouvé d’une façon au moins très probable que le traité en question est de Pierre Du Bois. Ce traité n’est pas seulement parfaitement d’accord avec les opinions du fougueux avocat normand ; nous y retrouvons sa distinction entre l’autorité spirituelle d’Aaron et l’autorité temporelle de Moïse, ses argumens favoris tirés de la prescription, de la donation de Constantin, de la position particulière des rois de France, qui, à la différence de bien d’autres princes et notamment des rois d’Angleterre, exercent pour le temporel une autorité complètement indépendante de celle des papes. On y commente, ainsi que dans la Supplication du peuple de France contre le pape Boniface, le texte quod ligaveris super terram, etc., et cet autre : reddite quæ sunt Cæsaris Cæsari. L’auteur remarque que Jésus-Christ voulut payer le tribut pour lui et pour saint Pierre, afin de bien prouver qu’il ne prétendait, ni pour lui, ni pour son vicaire, à aucune autorité temporelle. Ajoutons, comme surcroît de preuves, que ce traité se trouve manuscrit dans un des deux volumes du Trésor des Chartes qui nous ont conservé la plupart des opuscules de Pierre Du Bois.

IV. — M. Boutaric attribue à Nogaret une pièce très curieuse qu’il a trouvée et publiée[1], pièce postérieure à l’attentat d’Anagni (7 septembre 1303), mais antérieure, ce semble, à l’absolution du roi par Benoît XI (2 avril 1304). La pièce en question appartient donc à cette période où l’on trouve dans les conseils du roi tant d’hésitation sur les rapports qu’il convenait d’avoir avec la cour de Rome. L’auteur de la pièce publiée par M. Boutaric expose les embarras de la situation. Boniface, après sa mort, a gardé des partisans considérables, même à la cour ; des prélats, des princes, des clercs

  1. Notices et extraits, t. XX, 2e partie, p. 150-152 ; comp. La France sous Philippe le Bel, p. 120-121.