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inférieur, ne sont pas dignes d’un ministre aussi haut placé que Nogaret, qui voyait habituellement le roi comme garde du sceau royal, conférait avec lui dans l’intimité, et pouvait sans préparation ni intermédiaire lui proposer ses idées. D’un autre côté, l’auteur de la pièce en question se regarde comme compromis avec le roi dans la lutte contre le clergé. Le mot meque, s’il n’est pas une faute, suppose que l’auteur est mêlé à la politique de la cour. Trouvant donc auprès de Philippe un homme qui se fit en quelque sorte une spécialité de servir au roi des textes conformes à ses vues, de l’obséder de mémoires qu’on ne lui demandait pas, un homme qui ne recula pas quelquefois pour se faire valoir devant l’emploi des procédés d’un certain charlatanisme, il est naturel d’attribuer à un tel personnage la pièce dont nous parlons. L’attention que prend l’auteur du mémoire de dissimuler son nom rappelle tout à fait les précautions analogues qu’on remarque dans le De abbreviatione. Hâtons-nous de dire que l’attribution que nous faisons en ce moment n’a pas, à beaucoup près, le degré de certitude de celles que nous avons proposées pour les trois mémoires dont il a été question jusqu’ici, et que nous allons proposer pour les sept qui nous restent à énumérer.

V. — La Supplication du pueuble de France au roy contre le pape Boniface le VIIIe, pièce en français, publiée d’abord dans les Acta inter Bonifacium VIII et Philippum Pulcrum, publiés par Vigor, p. 36-44 de l’édition de 1613, p. 46-54 de l’édition de 1614, et reproduite par Dupuy, Preuves de l’histoire du différend, p. 214-219. M. de Wailly l’attribue avec raison à Pierre Du Bois. Tout au plus pourrait-on supposer que la rédaction en français n’est pas de lui. Quant aux idées, elles sont exactement les mêmes que celles qui sont exposées dans les traités latins de Du Bois, en particulier dans le traité De abbreviatione. C’est à tort que M. Rathery a considéré cet opuscule comme le cahier du tiers-état aux états de 1302. M. Boutade s’est trompé également en rapportant à l’année 1302 un pamphlet évidemment postérieur à la mort de Boniface, et qui fut probablement écrit en septembre 1304. On possède plusieurs exemplaires manuscrits de ce traité.

L’auteur rattache l’origine du pouvoir temporel des papes à la donation de Constantin ; il conclut de là que les premiers successeurs de saint Pierre n’avaient, comme saint Pierre lui-même, qu’une autorité purement spirituelle. Quant à l’autorité temporelle du roi, elle existe depuis plus de mille ans ; elle a donc pour elle la prescription, toute propriété reposant en définitive sur la parole adressée par Dieu à nos premiers parens : quod calcaverit pes tuus, tuum erit. Cette théologie assez inexacte, et qui semble supposer que l’auteur n’était pas très familier avec les textes sacrés, ne l’empêche