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quelques jours auparavant, le 23. Le 28, on avait commencé le siège de Verdun. Qu’allait faire l’armée de Werder, rendue libre par la prise de Strasbourg ? La presse allemande lui indiquait Lyon comme objectif, et annonçait la prise prochaine de la seconde ville de France ; mais les Prussiens avaient en Alsace d’autres occupations plus instantes. Il fallait réduire toutes les petites forteresses, Schelestadt, Neuf-Brisach, entre autres. Toute l’armée de Werder ne s’immobilisa pas à cette œuvre. Une partie notable tint la campagne pour s’emparer des Vosges et de la Haute-Saône, d’où elle pourrait menacer à la fois Dijon, Besançon et Belfort. Une petite armée avait été formée dans cette région sous le commandement du général Cambriels, échappé de Sedan. Elle comptait au début une quinzaine de mille hommes ; elle grossit plus tard, mais lentement, et ne prit jamais une bien grande importance. Elle était soutenue dans les Vosges par de nombreux et hardis francs-tireurs. Elle avait Besançon pour base d’opération. Une foule de combats se livrèrent dans ces contrées montagneuses. Entre Remiremont et Saint-Dié eut lieu toute une série d’engagemens auxquels la population et les femmes elles-mêmes prirent part. Nous eûmes plusieurs succès ; néanmoins, menacé par des forces supérieures, le général Cambriels dut se retirer avec son petit corps d’armée sous Besançon vers le milieu d’octobre, laissant à l’ennemi Vesoul et toute la Haute-Saône. Du 15 septembre au 15 octobre, nous avions donc perdu partout du terrain, nous n’avions su opposer à l’ennemi que de petits corps d’armée insuffisans, munis d’une artillerie trop inégale. Nos francs-tireurs s’étaient distingués et avaient traqué l’ennemi jusqu’à Melun, à quelques lieues de Paris. Quelques gardes nationales avaient eu de la tenue ou même de l’élan ; mais, à tout considérer, la défense avait été sans direction et sans impulsion supérieure, l’on n’avait tiré aucun parti des ressources que nous possédions encore, on avait manqué de décision, d’esprit de suite et d’ensemble.

M. le vice-amiral Fourichon, qui pendant quelques semaines eut le titre de ministre de la guerre, mais dont la liberté d’allure était complètement entravée par l’ingérence tracassière de ses deux collègues, MM. Crémieux et Glais-Bizoin, avait pris cependant quelques bonnes mesures de détail. Son premier soin avait été d’essayer de rétablir la discipline, que l’esprit en faveur tendait à énerver. Il avait écrit à ce sujet plusieurs circulaires ; plus tard, par un décret du 2 octobre, il établit des cours martiales. Il s’était occupé aussi de rallier les débris de Sedan, ce nombre considérable de braves ou de fuyards qui étaient parvenus à déjouer l’ennemi et à rentrer dans leurs foyers. Il avait créé quatre nouveaux cadres de compagnies dans chaque dépôt des régimens d’infanterie de ligne et deux dans chaque dépôt des bataillons de chasseurs à pied ;