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l’impulsion d’une âme juvénile ; on aimait à se figurer que M. Gambetta serait un organisateur et un politique vraiment libéral. Que d’illusions suivies de rapides et amères déceptions !

Ce fut alors une recrudescence d’espoir et d’efforts. Tous les partis rivalisèrent de zèle. Les noms légitimistes les plus célèbres de France servirent de drapeau à la population de l’ouest. M. de Cathelineau avait demandé au gouvernement l’autorisation de former un corps franc ; un autre descendant de Vendéens illustres, M. Stofflet, avait concouru à cette démarche : elle reçut bon accueil de M. Crémieux, quoique dans des termes épigrammatiques et peu convenables, où l’on opposait ceux qui invoquent « la sainte liberté » à ceux qui « prient la sainte Vierge. » Le colonel de Charette arrivait de Rome avec les zouaves pontificaux, qui prirent le nom de volontaires de l’ouest, et qui comptèrent parmi nos meilleures troupes, les plus solides et les plus éprouvées. Presque en même temps un secours d’un autre genre descendait à Tours : c’était Garibaldi, qui venait mettre sa vieille expérience de la petite guerre au service de la république.

M. Gambetta sembla d’abord prendre à tâche de justifier l’opinion qu’on avait de sa modération et de son activité. Son premier acte fut de faire relâcher le général Mazure, puis d’aller dans l’est visiter la petite armée de Cambriels et installer Garibaldi à Besançon avec ses francs-tireurs italiens, anglais, hongrois, américains, etc. Cette petite troupe fut soutenue par quelques bataillons de mobiles. M. Gambetta destitua ensuite le général de La Motterouge, coupable de l’échec d’Artenay et de l’évacuation d’Orléans : on se rappelle que déjà le général de Polhès, pour une faute analogue, avait eu le même sort. Combien de généraux devaient l’éprouver encore, être subitement décrétés de trahison, d’incapacité, de lâcheté, et rejetés dans la vie privée ! Fiereck, Durrieu, Kersalaun, d’Aurelle de Paladines, Morandy, Barral, allaient successivement, après les plus hauts témoignages d’estime, être impitoyablement bafoués et cassés par le jeune et bouillant dictateur ; mais l’opinion publique n’était pas encore rendue susceptible, et le choix du successeur du général de La Motterouge inspira dès l’abord confiance. C’était d’Aurelle de Paladines, nommé commandant du 15e corps et bientôt de toute l’armée de la Loire. M. Gambetta donna un autre gage de sa modération en appelant à Tours Bourbaki, qu’une singulière mystification avait fait sortir de Metz. Le brave chef de l’ancienne garde impériale fut nommé au commandement de l’armée du nord, non sans une foule de protestations et de démonstrations hostiles de la part des farouches républicains, qui prétendaient épurer nos états-majors de toutes les créatures de la monarchie. La garde civique de Marseille était dissoute par un décret du 12 octobre. Les résolutions