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ment offensif dans la boucle de la Seine, sur la rive gauche, en face de Rouen. Nous primes le château de Robert-le-Diable, La Bouille et diverses autres localités ; mais le 4 janvier une forte colonne prussienne partit de Rouen, reprit ses positions et rejeta nos troupes sur Honfleur et Pont-l’Évêque. On eût pu protéger Le Havre d’une manière plus efficace avec moins de forces, pourvu qu’on les employât avec ensemble, on eût même pu reprendre Rouen, et le surplus de nos troupes, si on l’eût donné à Faidherbe, eût sans doute permis à ce général de couper les communications de l’ennemi.

Plus lamentable est la scène qui va s’offrir à nous dans le Maine. L’armée de Chanzy, cantonnée aux environs du Mans, y resta quelques jours pour se refaire. Pendant près de trois semaines, du 28 novembre au 17 décembre, elle avait lutté presque tous les jours ; elle devait commencer une épreuve analogue et plus funeste : pendant trois semaines encore, elle allait livrer de quotidiens et meurtriers combats. Jamais il n’y eut dans l’histoire d’exemple d’une armée battue déployant tant de persévérance et d’obstination. Les Prussiens, qui s’étaient avancés jusqu’à Saint-Calais, qu’ils avaient honteusement mis au pillage, ne tardèrent pas à se replier. Les troupes de Frédéric-Charles retournèrent à Orléans, laissant seulement quelques divisions à Vendôme et dans les localités voisines. Celles de Mecklembourg se concentrèrent près de Chartres. Notre armée se composait de trois corps : le 16e sous l’amiral Jauréguiberry, le 17e sous le général de Colomb, et le 21e sous le général Jaurès ; notre ligne s’étendait des environs d’Alençon à La Chartre, le corps de Jaurès formant la gauche. Les hostilités étaient restées suspendues pendant une dizaine de jours comme d’un commun accord. Seuls, nos francs-tireurs, spécialement ceux du colonel Lipouski, dans la région du Perche, faisaient beaucoup de mal à l’ennemi. Il ne se passait pas de jour, d’après le témoignage d’un officier anglais qui suivait l’armée de Frédéric-Charles, sans que plus de vingt cavaliers allemands fussent frappés par des mains invisibles. Nous avions au plus 150,000 hommes ; l’ennemi nous en opposa autant, l’on avait renforcé les corps de Frédéric-Charles et de Mecklembourg. Chacun s’attendait à un coup décisif dans cette contrée. Nos colonnes d’avant-garde se mirent en mouvement dans les derniers jours de décembre et s’avancèrent dans la région du Loir, du côté de Vendôme. Le 27, un brillant engagement avait lieu vers Montoire ; nous culbutions l’ennemi et le poursuivions à 5 kilomètres au-delà de cette ville, lui faisant 100 prisonniers et lui enlevant des caissons et des équipages. À la même date, sur notre gauche, nos éclaireurs battaient les avant-postes de Mecklembourg entre Pontgouin et La Loupe. Le 31, continuant sa marche vers le sud, le général Jouffroy rejetait l’ennemi sur la rive gauche du Loir, et s’em-