Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




28 février 1871.

Le jour se fait par degrés sur nos tristes affaires, les voiles tombent peu à peu ; de cette obscurité où nous sommes restés plongés pendant cinq mois, se dégagent dans un éclair sinistre nos malheurs, nos méprises, les erreurs peut-être inévitables, les fautes qu’on aurait pu éviter, tout ce qui nous a conduits à ce sombre et douloureux dénoûment sur lequel il n’y a plus à se méprendre, que les plénipotentiaires de la France ont dû aller disputer avec plus de courage que d’espoir au camp du vainqueur. C’était la première, la grande et inexorable nécessité en présence de laquelle se trouvait l’assemblée de Bordeaux aussitôt après s’être constituée elle-même, après avoir créé un gouvernement. L’assemblée, elle s’est constituée en se donnant pour président M. Jules Grévy. Le gouvernement, il existe aujourd’hui ; l’acclamation qui a fait sortir vingt-huit fois de l’urne électorale le nom de M. Thiers désignait assez d’avance celui qui dans toutes les pensées était le mieux fait pour conduire les affaires de la France, et M. Thiers à son tour s’est hâté de former un ministère qui est l’image fidèle des nuances diverses de l’assemblée, où des hommes comme M. Dufaure, M. de Larcy, mettent leurs efforts en commun avec M. Jules Favre, M. Ernest Picard et M. Jules Simon. Est-ce un pouvoir définitif ou provisoire ? est-ce un ministère de transaction ou de transition ? Qu’importe ? C’est la France debout et vivante dans son assemblée, dans son gouvernement, c’est la France sortant enfin du domaine des irrégularités violentes et des fictions trompeuses, ayant seule le droit de disposer d’elle-même dans cette effroyable crise où l’imprévoyance l’a plongée, où une fatalité implacable ne lui laisse maintenant que le choix des périls et des sacrifices. Or dans cette situation nouvelle, pour tous ceux qui aiment leur pays, c’est le moment de prendre un parti, de regarder en face toutes ces sombres réalités qui nous pressent ; c’est le moment de savoir ce que la France peut sauver d’elle-même, comment et à quel prix elle