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24 décembre.

On parle de nouveaux troubles à Paris. Le parti de la commune songe-t-il encore à ses affaires au milieu de l’agonie de la France ? Il paraît que sa doctrine est de s’emparer du pouvoir de vive force. La dictature est la furie du moment, et jamais la pitoyable impuissance des pouvoirs sans contrôle n’a été mieux démontrée. S’il nous faut en essayer de nouveaux, la France se fâchera ; elle garde le silence sombre des explosions prochaines. Ce qui résulte des mouvemens de Belleville, — on les appelle ainsi, — c’est qu’une école très pressée de régner à son tour nous menace de nouvelles aventures. Ces expériences coûtent trop cher. La France n’en veut plus. Elle prouve, par une patience vraiment admirable, qu’elle réprouve la guerre civile : elle sait aussi qu’il n’y en aura pas, parce qu’elle ne le veut pas ; mais aux premières élections elle brisera les républicains ambitieux, et peut-être, hélas ! la république avec eux. En tout cas, elle n’admettra plus de gouvernement conquis à coups de fusil, pas plus de 2 décembre que de 31 octobre. C’est se faire trop d’illusions que de se croire maître d’une nation comme la nôtre parce qu’on a enfoncé par surprise les portes de l’Hôtel de Ville et insulté lâchement quelques hommes sans défense. Je ne connais pas les théories de la commune moderne, je ne les vois exposées nulle part ; mais si elles doivent s’imposer par un coup de main, fussent-elles la panacée sociale, je les condamne au nom de tout ce qui est désintéressé en France, au nom de tout ce qui est humain, patient, indulgent même, mais jaloux de liberté et résolu à mourir plutôt que d’être converti de force à une doctrine, quelle qu’elle soit.

Le mépris des masses, voilà le malheur et le crime du moment. Je ne puis guère me faire une opinion nette sur ce qui se passe aujourd’hui dans ce monde fermé qui s’appelle Paris ; il nous paraît encore supérieur à la tourmente. Nous ignorons s’il est content de ses mandataires. Toutes les lettres que nous en recevons sont exclusivement patriotiques. Si quelque plainte s’échappe, c’est celle d’être gouverné trop mollement. C’est un malheur sans doute, mais on ne peut se défendre de respecter une dictature scrupuleuse, humaine et patiente. Il est si facile d’être absolu, si rare et si malaisé d’être doux dans une situation violente et menacée ! Je crois encore ce gouvernement composé d’hommes de bien. Ont-ils l’habileté, la science pratique ? On le saura plus tard ; à présent nous ne voulons pas les juger, c’est un sentiment général. La crise atroce qu’ils subissent nous les rend sacrés. D’ailleurs il me semble qu’ils professent avec nous le respect de la volonté générale, puisqu’après l’émeute ils ont soumis leur réélection au plébiscite de Paris. C’est aller aussi