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général aucune idée des mœurs et des habitudes provinciales. Ces nouveau-venus tombaient du ciel comme des prophètes inspirés, avec des allures incomprises. Ils étaient isolés, méconnus, sans action au milieu des populations inquiètes.

Au-dessous de l’administration départementale vient l’administration communale. Qu’allait faire le gouvernement provisoire avec les conseils municipaux récemment élus ? Ils étaient certainement l’expression de la libre volonté du pays. Il n’est pas aisé de falsifier la représentation communale. Le gouvernement n’en a guère le pouvoir. Les hommes d’état du 4 septembre auraient donc pu accepter les conseils existans ; ils auraient eu la faculté, soit de maintenir les maires, soit de les révoquer et de les remplacer à leur gré. S’ils avaient voulu rester fidèles aux principes de toute leur vie, ils auraient pu encore, par une mesure générale, remettre aux conseils municipaux le choix des maires et des adjoints. Enfin, si des scrupules excessifs ou des défiances exagérées dominaient dans leur esprit à l’égard de ces conseils élus dans le dernier mois de l’empire, il était facile de refaire les élections ; c’était une mesure qui n’entraînait ni beaucoup de délais, ni beaucoup d’agitations. Le gouvernement ne suivit aucun de ces systèmes, qui avaient le mérite de la simplicité et de la loyauté : il agit sans plan et sans suite. Il convoqua bien les électeurs pour le 25 septembre, mais il revint bientôt sur sa décision première, et cassa les conseils municipaux, pour les rétablir ensuite sous une forme ou sous une autre dans beaucoup de départemens. La mesure la plus générale fut de les remplacer par des commissions administratives ou municipales, composées de trois, cinq ou sept membres, quelquefois plus, suivant la population de la commune : les membres de ces commissions étaient d’ordinaire les conseillers municipaux qui avaient réuni le plus de voix dans les élections du mois d’août. Le maire fut désigné sous le nom de « président de la commission municipale. » Si cette transformation dans les mots avait un sens, ce ne pouvait être que le rétablissement de ces administrations collectives qui furent inaugurées, puis bientôt abandonnées par notre première révolution, et qui sont encore regrettées par beaucoup de publicistes sérieux. Le moment toutefois était mal choisi pour ces innovations. En fait, l’administration communale fut livrée à l’arbitraire des préfets, qui, dans beaucoup de départemens, se comportèrent vis-à-vis des municipalités avec la plus capricieuse omnipotence. Ce fut un véritable chaos. Il n’y eut pas deux provinces contiguës ayant le même régime municipal. Ici, l’on respectait la représentation communale telle qu’elle était sortie de l’urne sous l’empire : là, on intronisait chaque jour des fonctionnaires et des