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Nan-keou, le calcaire domine, puis viennent les roches cristallines ; en plusieurs endroits apparaissent des porphyres verts et rouges, et dans la dernière partie des masses volcaniques soit bleuâtres, soit rousses ou tachetées. Un ruisseau court dans la vallée, et les petits oiseaux prennent leurs ébats : ce sont des bruans, la fauvette de montagnes, l’alouette huppée, l’alouette pispolette, une sorte de merle particulier à l’Asie, le pomathorin sifflant (Pomathorinus stridulus), et le choquart des hautes montagnes de l’Europe et de l’Asie. On aperçoit aussi le petit écureuil gris dont le bout de la queue est blanc, qu’on cessera de rencontrer plus au nord ; tandis qu’on verra en abondance dans toute la Mongolie l’écureuil rayé. À l’endroit où finit la vallée de Nan-keou se trouve le village de Tcha-tao, — une auberge permet aux voyageurs de dîner. Des musulmans sont les maîtres du lieu, et ceux-ci, d’une propreté qui manque chez les Chinois païens, témoignent plus de sympathie aux Européens, pensant avoir à peu près la même religion ; mais, si leur accueil est excellent, leurs services coûtent cher : le dîner composé de quelques œufs doit être payé comme un repas magnifique.

Au-delà du village commence une plaine stérile, couverte de sable et de cailloux amenés par les torrens grossis des pluies d’orage. Une ligne de grandes tours en terre complètement délabrées rompt la monotonie de l’espace aride. De la chaîne que traverse la passé de Nan-keou se détache, à 12 ou 15 lieues plus loin, une autre chaîne se dirigeant vers le sud-ouest, et dans l’intervalle s’élèvent d’autres montagnes qu’on dit être les plus hautes de la province. En suivant la route, on rencontre quelques bourgades, puis la ville de Sin-pao-gnan, entourée de rizières, et bientôt la montagne à charbon dite Ki-ming-chan s’offre aux regards. Sur le point culminant est bâtie une pagode en partie ruinée, mais nullement abandonnée ; un bonze, inébranlable comme le roc, séjourne sur le sommet, d’où l’on découvre tous les pays d’alentour. Le Yang-ho baigne le pied de la montagne. D’abord on ne distingue que des roches calcaires fissurées et culbutées en tout sens ; en remontant la rivière, on trouve des roches basaltiques d’un brun rouge.

Depuis le jour du départ de Pékin, le beau temps a continué ; mais il est devenu plus froid, il y a de la glace sur les bords de la rivière. Aussi, en passant près d’un village nommé Chang-hoa-yuen, nos voyageurs s’étonnent de voir des herbes fraîches couvrant de vastes marais ; la cause du phénomène est promptement reconnue : une abondante source d’eau chaude entretient une température assez élevée, même en hiver. La tourterelle de Chine, ravissante dans son vêtement d’un lilas pâle, vole sur ces marais et vient se percher sur les arbres du village, vivant tranquille à côté des habitans, qui ne l’inquiètent jamais. Aux premiers rayons de