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teinte rose. Les calandrelles et d’autres alouettes abondent ; les belles calandres mongoles sont innombrables. Une descente rapide conduit dans une large vallée, et la vue s’arrête sur plusieurs villages chinois dont la propreté contraste avec l’aspect misérable des tentes mongoles. Les hauts plateaux franchis, on est sur le territoire de Koui-hoa-tcheng : une plaine fertile, bien cultivée, arrogée par une petite rivière et coupée par des places sablonneuses dont les habitans sont de petits rongeurs du genre des gerbilles[1], gambadant près de leurs terriers quand la journée est belle. On est à la fin d’avril, le temps est devenu agréable, et la chaleur déjà forte. La verdure commence : les graminées et les armoises entrent en végétation ; une iris bleue à longues feuilles étroites est en fleurs, et près d’un ruisseau il y a des pissenlits, que nos voyageurs récoltent avec une tout autre préoccupation que celle de la science.

Koui-hoa-tcheng est une sorte de capitale qui se compose de la ville des lamas et de la ville militaire, occupée par les Tartares vexillaires. De vastes terrains plantés de saules et d’ormeaux sont réservés à la sépulture des soldats et de leurs familles ; les pierres qui en font l’ornement sont des marbres blancs ou veinés en général mal polis, et des pierres volcaniques noirâtres. Dans la campagne, il y a des fours à chaux où le marbre est cuit avec de la houille apportée d’une localité voisine. Dans une vallée située au nord-est de la ville, un large ruisseau fait mouvoir plusieurs moulins de construction primitive, ce qui est une rareté en Chine. Dans la plupart des maisons, le grain se moud sous une meule à bras ; les femmes, surtout les jeunes mariées, sont chargées de ce pénible travail. « On se sent le cœur serré, dit le père A. David, en voyant ces pauvres femmes condamnées à cette fatigue excessive, souvent suivie d’accidens ; mais c’est un usage général en Asie depuis des milliers d’années… » Il existait dans la Judée au temps de Jésus-Christ. Notre missionnaire se donne des peines infinies pour bien étudier le pays de Koui-hoa-tcheng : il examine la configuration et la nature du sol, il recueille partout les plantes et les animaux ; mais la moisson est pauvre, et quelques sujets observés pour la première fois viennent seuls donner une petite satisfaction au naturaliste. Maintenant c’est à Sartchi qu’il faut se rendre, en marchant toujours vers l’occident. La chaîne de montagnes qui court dans cette direction, près de Koui-hoa-tcheng, s’en écarte un peu plus loin et forme un coude en se repliant au nord. Sur ce point, une grande lamaserie construite à mi-côte, de façon à dominer toute la contrée, produit un effet vraiment pittoresque. Au-delà, on rencontre de nouvelles montagnes escarpées, où les schistes, les grès verts, le granit, sont mêlés à des porphyres ; c’est le séjour,

  1. Gerbillus unguiculatus et Gerbillus brevicaudatus.