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Tu pâlis à me voir vivante,
Moi, morte au gré de tes amis !
Rassure-toi, Dieu l’a permis,
Je vivrai pour ton épouvante,

Pour votre infamie à jamais,
Car avec mes races futures,
Nous aurons d’autres aventures,
Vous et moi, je vous le promets !


LE PRINCE

Que vient chercher ici ta colère obstinée ?
Accuse qui de droit, blasphème ton césar ;
Est-ce ma faute à moi, femme de Putiphar,
Si tes vices t’avaient dès longtemps condamnée ?
Toi qui ne crois à rien, crois à la destinée ;
La tienne est de mourir sous les coups du Germain ;
Meurs donc joyeusement et la coupe à la main,
Et plutôt que vomir la rage et l’anathème,
Couronne-toi de fleurs pour ce banquet suprême ;
Reprends ton ironie et tes airs d’autrefois,
Laisse la harpe en deuil suspendue aux vieux saules,
Evoque tes farceurs, tes baladins, tes drôles,
Tous ces représentans du bel esprit gaulois,
Ceux à qui tu donnais l’or et la renommée
Pour bafouer ton Dieu, ton honneur, ton armée,
Et fière, au milieu d’eux, tombe comme il te sied,
En niant le vainqueur qui t’écrase du pied !


LA FRANCE

Ta victoire, grand capitaine,
Quand tu la fais sonner si haut,
Ton cœur en sait bien le défaut,
Et c’est là que t’attend ma haine.

Ma vengeance est dans ton remords !
Un jour viendront d’autres batailles,
Un jour, j’aurai mes représailles,
Un jour, je vengerai mes morts !

Mais, d’ici que Dieu le ramène,
Ce jour réparateur pour moi,
Prince et chrétien, je laisse en toi
Parler la conscience humaine !

Ton cœur à toi n’est point imbu
Du fétichisme dynastique