Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 92.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand devraient vos cohortes viles
Infecter l’air de ma maison,

Vrai Dieu ! cette guerre est impie ;
C’est ignoble et c’est déloyal,
Et tu sauras, prince royal,
Un jour comment cela s’expie !


LE PRINCE

Quel crime est donc le mien ? Soldat de mon pays,
Du mieux que je le puis, je me bats et commande.
Tu déplores tes champs et tes bois envahis ;
Que serait aujourd’hui la patrie allemande,
Si le sort de la guerre eût prononcé pour toi ?
Au fond, la vérité, — qu’on triomphe ou qu’on cède, —
N’est que dans le devoir ; qui s’y tient la possède ;
J’obéis et je sers, et laisse faire au roi.


LA FRANCE

Non, ton cœur se sent moins à l’aise
Que tu ne veux le laisser voir ;
Non, tu n’as point fait ton devoir,
Et c’est le remords qui te pèse !

Tu n’as, rien vu, rien pressenti,
Dans cette abominable guerre,
Bon soldat, mais prince vulgaire ;
Incapable d’un grand parti.

Quand cet homme, par qui je pleure,
Et par qui j’ai dû tant souffrir,
À Sedan tombait sans mourir,
Le Destin te marquait ton heure.

Il te criait : « N’hésite, pas,
Ici, ta mission commence,
Arrête cette horde immense,
Interviens, prince, plus un pas !

La victoire appuie et seconde
La querelle que tu défends,
Rentre tes drapeaux triomphans,
Et que la paix renaisse au monde !

Ces chemins où, pour ton malheur,
Bismarck, que sa haine exaspère,
Et Moltke entraînent, ton vieux père,
Prince, à tout prix ferme-les-leur !