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France de Bordeaux ou de Tours. Il a été obligé de faire des concessions pour en obtenir, et tout a fini par une transaction. L’assemblée ne restera pas à Bordeaux, ou n’ira pas à Fontainebleau, comme on le proposait ; elle ne viendra pas non plus à Paris, elle ira à Versailles ; tout est sauvé ! Voilà où nous en sommes, et c’est là peut-être le résultat le plus clair de ces agitations révolutionnaires qu’on se plaît à entretenir depuis quelques jours, qui sont venues bien à propos pour donner un prétexte de plus aux susceptibilités provinciales.

Que l’assemblée ne veuille pas être à la merci d’une émeute, soit ; mais c’est aussi véritablement oublier trop vite que depuis cinq mois, par le siège qu’il a soutenu, par les souffrances auxquelles il s’est résigné, par l’énergie de son attitude devant l’ennemi, Paris a fait l’honneur de la France, et méritait bien sans doute quelques égards. On méconnaît de plus deux faits également graves : le premier, c’est qu’on ne change pas à volonté une capitale qui est en quelque sorte l’œuvre de l’histoire d’un peuple, qui est devenu le centre de la vie publique, de l’activité intellectuelle, de la science, des arts, de l’industrie. Un autre fait qu’on semble méconnaître, c’est que ces révolutions faites par Paris et si étrangement redoutées, elles ne sont pas l’œuvre de Paris seul, elles ont été le plus souvent préparées par la province. Que prétend-on faire expier à Paris aujourd’hui ? Est-ce la révolution du 4 septembre ? Ce serait assez singulier de la part d’une assemblée qui prononçait, il y a quelques jours à peine, la déchéance de l’empire. Est-ce la guerre ? Les députés parisiens ont voté contre la guerre, et ce sont les députés de la province qui l’ont sanctionnée de leurs acclamations. — La situation de Paris est troublée et périlleuse, dit-on. Le motif serait réellement étrange, et si cela était vrai, ce serait au contraire une raison pour que l’assemblée accourût là où est le danger, comme l’ont fait remarquer justement des esprits politiques tels que M. Vitet. On comprend bien sans doute que la France veuille disposer d’elle-même, qu’elle tienne à ne point subir la domination d’une ville, si grande qu’elle soit, et à ne point recevoir périodiquement des révolutions par le télégraphe ; mais ce n’est point en attaquant Paris ou en cherchant à le découronner qu’on changera cette situation : le jour où assemblée et gouvernement seront à Orléans ou à Tours, le même phénomène se reproduira bientôt, les passions et les partis se donneront rendez-vous sur ce nouveau théâtre. Il n’y a qu’un moyen de trancher ce problème, bien grave en effet, c’est de décentraliser la vie politique et administrative, d’assurer aux provinces une participation plus directe et plus efficace aux affaires communes, sans prétendre enlever à Paris sa grandeur et ses droits de capitale intellectuelle de la France.

Ce qui apparaît le plus clairement à travers toutes ces discussions d’une douteuse opportunité ; c’est qu’il y a incontestablement dans l’assemblée, à droite et à gauche, deux opinions extrêmes toujours prêtes