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Pour prendre Paris, il eût fallu, tout en bloquant le reste de la place, abandonner sur plusieurs points la ligne des hauteurs, se rapprocher des forts, en emporter au moins trois après un siège régulier, se heurter enfin contre l’enceinte, et jouer la partie suprême dans une bataille de rues qui eût entraîné sans doute la destruction de la ville, mais qui pouvait écraser sous ses ruines toute l’armée assiégeante. Pour le bloquer, il suffisait d’avoir étudié le terrain, de disposer habilement ses forces, de repousser peut-être deux ou trois sorties, et de laisser faire le reste à l’impatience des Parisiens, qu’on se mettrait en mesure d’aiguillonner en incendiant quelques quartiers, quand la population, irritée par l’isolement, par la famine, par l’attitude même de l’ennemi, serait arrivée à cet état d’excitation nerveuse que les Allemands appelaient, dans leur barbarie pédantesque, le moment psychologique du bombardement.

On répétait volontiers avant la guerre qu’il faudrait 1 million d’hommes pour assiéger Paris, et, à en juger par les rares journaux qui nous parvenaient pendant le siège, les Parisiens se croyaient cernés par plus de 400,000 ennemis. La vérité est que M. de Moltke ne disposa jamais de plus de 200,000 combattans. Les troupes d’investissement se composaient de deux armées : la troisième, sous le commandement du prince royal, et la quatrième, sous les ordres du prince de Saxe. Elles comprenaient les 4e, 5e, 6e, 11e et 12e corps de la confédération du nord, la garde royale, deux corps bavarois et une division wurtembergeoise. À ces forces, vinrent se joindre plus tard douze régimens de landwehr et le 2e corps, envoyé de Metz après la capitulation ; mais le 1er corps bavarois, sous la direction du général von der Thann, et la 22e division, qui faisait partie du 11e corps, avaient été détachés sur la Loire dès le mois d’octobre, et, lorsqu’à la fin de décembre les débris du 1er corps bavarois vinrent se reformer sous Paris, ils furent remplacés à l’armée du sud par le 2e corps prussien, qui figura dans les affaires du Mans. Si l’on tient compte en outre des renforts envoyés par les Saxons à l’armée du nord et de la nombreuse cavalerie sans cesse occupée à battre les plaines de la Beauce et de l’Orléanais, l’armée de siège ne compta jamais plus de huit corps complets. En supposant tous les hommes présens au drapeau, l’effectif de ces huit corps se serait élevé à 280,000 hommes ; mais dès le début du siège aucun bataillon d’infanterie, à l’exception de ceux de la landwehr de la garde, ne comptait plus de 700 hommes, et beaucoup ne dépassaient pas 600. Les maladies, qui sévirent surtout dans les mois d’octobre et de novembre, le feu, le service des convois, réduisirent encore ce nombre : les renforts ne suffisaient plus à combler les vides. Aussi, au lieu de 35,000 hommes, chaque corps en comptait à peine 25,000.