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Ces besoins sont au nombre de trois : 1° trouver le milliard que nous avons à payer aux Prussiens avant la fin de l’année 1871 ; 2° régler nos propres dépenses et accorder toutes les indemnités qui seront justifiées ; 3° mettre le budget de cette année en équilibre. Il le faut pour la régularité de nos comptes financiers, il le faut surtout pour l’avenir de notre crédit. Il est certain que, si nous nous présentons à la fin de l’exercice avec un budget en souffrance, notre position sera moins bonne que s’il est complètement liquidé. On ne peut chercher ailleurs que dans l’emprunt le milliard à payer aux Prussiens. C’est à peine si la France, en ce moment, a les ressources nécessaires pour reprendre sa vie industrielle et commerciale, pour ensemencer ses champs, remplacer les bestiaux qui ont été détruits par la peste ou volés par l’ennemi, acheter les matières premières indispensables. Sous quelle forme fera-t-on cet emprunt ? Deux systèmes sont en présence : créer des rentes perpétuelles, sans s’inquiéter de l’avenir, comme on faisait sous le dernier gouvernement avec tant de laisser-aller, ou bien avoir recours à un autre moyen plus onéreux dans le présent, mais plus favorable pour l’avenir, en empruntant sous forme d’annuités à court terme. C’est le procédé employé par l’Angleterre depuis la guerre de Crimée ; les 800 millions qu’elle avait demandés alors au crédit, concurremment avec des surtaxes, sont aujourd’hui entièrement soldés, et il n’en reste plus trace dans le budget de nos voisins. L’Amérique fait de même pour rembourser ses 15 milliards, et chaque année elle y affecte résolument une somme qui n’est pas inférieure à 500 millions. Aussi espère-t-elle en être débarrassée dans très peu d’années. Ce procédé est celui des nations qui tiennent à honneur d’avoir un bon crédit, de ne rien faire qui puisse affaiblir leur vitalité. La France doit y recourir aussi. Il est vraiment honteux que chez nous, en pleine paix, en pleine prospérité, sous le second empire, on ait augmenté à perpétuité le chiffre de la dette publique de plus de 6 milliards en capital, et de plus de 150 millions en rentes annuelles. Ce fait seul est la condamnation de ce régime, et prouve l’incurie profonde avec laquelle on administrait nos finances. Il est impossible de continuer dans les mêmes erremens, et, bien que la situation soit aujourd’hui très difficile, bien que nous ayons à ménager nos ressources, c’est un devoir de prendre sur nous-mêmes, au prix des plus grands sacrifices, de quoi réparer des fautes qui sont les nôtres, et de ne point nous décharger sur les générations futures en leur laissant un héritage écrasant. — En tout état de cause, quand on a une dette consolidée aussi forte que la nôtre, on ne devrait jamais songer à l’augmenter par une nouvelle émission de rentes perpétuelles ; mais faire cette émission en ce moment, lorsque notre 3 pour 100 est à 51, c’est-à-dire à près de 6 pour 100, ce serait commettre la plus grave