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pensation à d’autres impôts, à une taxe sur le revenu par exemple, on n’aurait rien fait d’efficace ni produit aucun allégement.

« La richesse d’un pays, a dit justement un homme qui parlait mieux qu’il n’agissait, est comme un fleuve ; si on prend l’eau à sa source, on la tarit ; si on la prend au contraire lorsque le fleuve a grandi, on peut en détourner une large masse sans altérer son cours. » La source du fleuve, en fait d’industrie, c’est le revenu disponible : si on en prend une partie au moment où elle va entrer dans les divers canaux de l’activité sociale, on affaiblit le principal élément de cette activité, et la production s’en ressent ; si au contraire on attend que l’œuvre soit accomplie, que le fleuve ait grandi, on peut y puiser largement sans qu’on s’en aperçoive. En un mot, pour laisser à la richesse publique tout son essor, il faut affranchir la production et n’imposer que la consommation.


III.

Parmi nos impôts indirects, il n’y en a, selon nous, qu’un seul qui soit réellement un obstacle au progrès de la richesse, c’est le droit de transmission à titre onéreux, dit droit de mutation. Cet impôt, avec le décime de guerre, qui existe toujours, s’élève à 6,05 pour 100. Il est vraiment excessif, et personne ne met en doute qu’il n’arrête les transactions ; or arrêter les transactions, c’est causer un grand dommage à la richesse publique. Les propriétés immobilières restent entre des mains qui sont inhabiles à les faire valoir ou qui n’ont pas pour cela les ressources suffisantes ; on n’en tire point ce qu’on devrait en tirer, et tout le monde en souffre. Il y a longtemps que les plaintes se sont produites contre cet impôt. La dernière enquête agricole les a constatées de nouveau, et c’est même ce qu’il y a de plus saillant dans toutes les réclamations qui ont eu lieu. Quel est aujourd’hui la condition première du succès pour toute industrie ? C’est d’avoir des capitaux en abondance. L’agriculture en manque particulièrement ; elle les voit affluer partout, se porter sur les entreprises les plus téméraires, et elle ne peut parvenir à les faire arriver jusqu’à elle malgré la sécurité et les avantages qu’elle est en mesure de leur offrir. La raison en est que les capitaux n’aiment pas à s’immobiliser ; ils vont là où il y a un marché facile, toujours ouvert, qui leur permettra de se dégager, de redevenir libres aussitôt qu’ils le voudront. Avec un droit de 6 pour 100 qui frappe chaque transmission d’immeuble, quand on a une fois acheté une terre ou une maison, on ne trouve pas aisément à s’en défaire ; les