plus nombreux que les gros. On frapperait ceux qu’on doit épargner ; rien ne serait plus antidémocratique.
Quant à la proposition d’atteindre toutes les valeurs mobilières en général, sauf quelques exceptions, elle est un peu plus logique ; mais les exceptions qu’elle consacre ne sont encore nullement justifiées. Pourquoi exempter de l’impôt par exemple les profits industriels ? est-ce qu’ils ne font point partie de la richesse mobilière ? est-ce qu’ils n’en sont pas même la portion la plus importante ? Il paraît d’autant plus juste de les imposer qu’ils s’accumulent par de gros chiffres dans les mêmes mains. Quoi ! on mettra une taxe sur une action ou une obligation rapportant 15 ou 20 francs, et qui sera peut-être toute la fortune de celui qui la possède, et on ne demandera rien au banquier, à l’industriel qui gagnera 50,000, 100,000 fr. par an, aux trois ou quatre associés qui se partageront des sommes pareilles ou plus considérables ? Il suffit de faire ces rapprochemens pour montrer combien il serait inique d’exempter de la taxe les profits industriels. On ne voit pas non plus pourquoi on accorderait cette faveur à ceux de l’agriculture ; c’est une industrie comme une autre, et, si les profits en sont moindres, elle sera moins taxée. Toutes ces propositions sont nées de l’idée que la fortune mobilière rapporté plus que la fortune territoriale, et qu’il serait juste d’établir un peu plus d’égalité entre le revenu de l’une et celui de l’autre. Rien n’est plus faux qu’un pareil point de départ. On oublie que la richesse mobilière est d’une nature toute spéciale, on ne peut pas l’imposer aussi facilement que la propriété immobilière ; elle se compose de capitaux qui ne sont pas fixés indéfiniment, qui peuvent se dérober au fisc, s’ils trouvent qu’on les charge trop, et, s’ils se dérobent, non-seulement celui-ci perdra la recette sur laquelle il comptait, mais la fortune publique se trouvera compromise. On a bientôt fait de dire qu’il faut établir l’égalité entre les charges de la propriété immobilière et celles de la propriété mobilière. Il faut voir encore si cela est possible. Vous proposez de créer un impôt de 5 pour 100 sur les profits que donne celle-ci ; mais, si ces 5 pour 100 suffisent pour éloigner les capitaux qui alimentent l’industrie, vous aurez perdu par cet éloignement beaucoup plus que ne produira jamais la taxe.
On semble croire qu’en imposant le revenu mobilier on ajoute au revenu foncier ; c’est encore une erreur. Le premier est ce qu’il doit être, eu égard aux conditions économiques du pays ; on aura beau établir un impôt, on ne changera pas ces conditions, on ne fera pas que ceux qui ont des capitaux disponibles, qui peuvent les engager ou non dans les entreprises industrielles, se contentent d’un revenu moindre parce qu’il y aura un impôt ; ils auront les mêmes prétentions, et il faudra bien les satisfaire sous peine de voir