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tablissement de nouveaux impôts. Les nouveaux impôts excitent le mécontentement, et provoquent une opposition de plus en plus vive. Cette opposition, qui ne propose aucun moyen pratique de sortir d’embarras, ne peut qu’affaiblir encore le gouvernement, quel qu’il soit, et le pays se trouve ainsi engagé dans un cercle vicieux dont on n’aperçoit pas l’issue.

Il est un autre résultat plus fâcheux encore. La nation perd confiance dans un régime qui marche si mal. Comme le public ne voit pas pourquoi certains hommes arrivent au pouvoir et pourquoi d’autres sont obligés de le quitter, il est porté à ne voir dans le parlement qu’une arène où des ambitieux se disputent des portefeuilles et des places. N’assistant pas à la lutte féconde et élevée de deux grands partis, il s’imagine que ce sont non pas des opinions, mais des appétits qui sont aux prises. De là vient que des accusations de corruption sont si souvent répandues et si facilement accueillies. Sans doute quelques faits blâmables ont été constatés ; mais quel est le pays qui est assez irréprochable sous ce rapport pour jeter la pierre à l’Italie ? À coup sur, ce n’est ni l’empire russe avec son régime despotique, ni la république démocratique des États-Unis. Quand on se rappelle quelle était la moralité des employés de l’état dans plusieurs parties de l’Italie d’autrefois, surtout dans le royaume de Naples, on doit avouer que le régime nouveau a produit une immense amélioration, une rénovation presque complète. Néanmoins le public se défie ; il croit parfois les contes les plus absurdes. Le parlement perd de la sorte l’autorité et le respect dont il devrait jouir.

Sauf dans deux ou trois villes, les factions anarchiques n’ont jamais exercé une grande influence en Italie ; mais le mécontentement produit par l’impuissance du gouvernement et par la détresse financière a pour effet de lui en donner davantage. Bien des gens, même parmi les conservateurs, achètent les feuilles de l’opposition extrême, parce qu’ils y trouvent une critique violente de l’administration, responsable à leurs yeux de tous les maux dont souffre le pays. On arriverait ainsi peu à peu, si cet état maladif devait se prolonger, à la situation de certaines républiques de l’Amérique, incapables de supporter le gouvernement qu’elles ont et non moins incapables de s’en donner un meilleur. L’Italie est encore très loin de cette extrémité ; mais, comme le dit M. Jacini, elle est sur le chemin qui y mène.