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M. Bonghi, la nouvelle chambre fut une vraie Babel où les hommes distingués étaient en grand nombre, mais se trouvaient incapables d’une action vigoureuse et suivie.

La guerre de 1866, l’annexion de la Vénétie, l’expulsion définitive de l’étranger, détournèrent momentanément l’attention de l’arène parlementaire ; mais au milieu de ses succès inespérés l’Italie était mécontente et triste, parce que la victoire lui avait échappé et sur terre et sur mer. Le contre-coup de ces échecs amena la chute du ministère La Marmora. M. Ricasoli revint au pouvoir. Bientôt il fut amené à dissoudre la chambre. Encore une fois, aucune question précise ne fut posée aux électeurs. Ni la question financière, ni celle de l’emploi des biens ecclésiastiques n’étaient nettement formulées. À la veille des élections, M. Scialoja fut remplacé au ministère des finances par M. Depretis, sans qu’on pût bien comprendre le sens de ce changement. Le résultat fut comme d’ordinaire une chambre où ne dominait aucune opinion déterminée, et qui se trouva par suite aussi impuissante que les précédentes. M. Ricasoli, âme fière, ardemment dévouée à son pays, mais dépourvue de toute ambition, se retira comme envahi par un insurmontable dégoût de la vie politique. Depuis lors, deux ministères nouveaux se sont encore succédé, et pendant le peu de temps qu’ils ont duré ils ont subi plusieurs modifications.

C’est ainsi que dans le nouveau royaume, qui n’existe guère que depuis une douzaine d’années, il y a eu neuf changemens de cabinet, dont aucun n’a été amené par un vote de la chambre, ni déterminé dans sa formation ou dans son programme par le jeu régulier des majorités parlementaires. Plusieurs de ces ministères ont subi des modifications. Celui de M. Menabrea par exemple s’est modifié quatre fois, sans qu’on puisse y trouver d’autres raisons que des questions personnelles. Comment, avec une semblable instabilité, le cabinet le mieux composé pourrait-il déployer l’énergie, l’esprit de suite, indispensables à la bonne gestion des affaires ? Comment le régime parlementaire pourrait-il donner les bons résultats qu’on doit en attendre ?

Les Italiens ne se font aucune illusion sur la nature et les causes du mal. Ils l’ont décrit avec cette finesse d’analyse qu’ils ont toujours déployée dans les matières politiques, et qui éclate dans les fameux rapports des envoyés vénitiens et dans les écrits de Machiavel ; mais où chercher le remède ? On en a proposé un grand nombre. M. Scialoja pense que pour constituer des partis il faut d’abord qu’un parti vraiment conservateur se forme et s’affirme. — Fort bien, seulement la difficulté consiste à lui trouver un programme, car les questions extérieures sont résolues, et sur les ques-