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LE PROCÈS


ENTRE


PARIS ET LA PROVINCE




Paris et la province n’ont jamais paru plus près de s’entendre que pendant ce long siège qui les a tenus isolés l’un de l’autre. Au début de l’investissement, des doutes, des appréhensions existaient, il est vrai, des deux côtés, mais les rares nouvelles qui franchirent les lignes ennemies firent tomber peu à peu ces défiances mutuelles. Une population de près de deux millions d’âmes, bloquée, affamée, bombardée, n’usait d’une liberté sans limites que pour affirmer l’unanimité de ses efforts en vue de la délivrance, et acceptait résolument tous les sacrifices. Si quelques actes d’indiscipline et deux ou trois essais d’insurrection faisaient ombre au tableau, l’ordre n’avait pas été sérieusement troublé, et la réprobation générale qu’ils avaient rencontrée avait été une nouvelle preuve du bon esprit des assiégés. En fallait-il plus pour justifier une admiration dont le témoignage pompeux leur arrivait de temps en temps à travers les airs ? Ils ne trouvaient pas eux-mêmes un moindre sujet d’admiration dans le mouvement national qui leur était annoncé par la même voie avec une égale emphase. Un pays qui avait vu tomber en un jour tout ce qui faisait sa confiance : son armée et son empereur, se levait tout entier à la voix d’un dictateur républicain. La réaction était réduite au silence ; la révolution était contenue : l’adhésion à la république se confondait partout avec le dévoûment à la patrie. Les forces improvisées se comptaient par centaines de mille hommes ; des prodiges étaient faits pour les équiper et pour les exercer. À peine réunies, elles étaient capables de vaincre, et, ce qui est plus difficile, même pour des troupes éprouvées, de supporter une défaite. Il semblait donc qu’un même