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lutte, soit aussi pour une partie d’après les impressions qu’il nous a été permis de recueillir sur le moment.


I.

Le dimanche 27 novembre 1870, la ville d’Orléans, débarrassée depuis quinze jours de la présence de l’ennemi, avait un air de fête. La température était douce, le soleil brillant. La population remplissait les rues et les places, où les vestiges de l’occupation bavaroise avaient presque disparu. L’évêque d’Orléans, dont le patriotisme s’était affirmé avec éclat pendant les journées douloureuses de l’invasion, célébrait à la cathédrale le service divin à l’intention des soldats de notre armée de la Loire. Le général d’Aurelle de Paladines y assistait, et, lorsque ce vieux soldat parut sous le parvis entouré de son état-major et d’officiers de toutes armes, des acclamations de bon aloi lui prouvèrent que la population avait confiance en lui. À dire vrai, l’attitude de l’armée faisait honneur à son chef. Quoique des forces considérables fussent concentrées aux environs, on ne voyait dans les rues ni un ivrogne, ni un traînard. Les troupes, disséminées sur une large bande de terrain, depuis Châteaudun jusqu’au près de Montargis, étaient bien pourvues, tenues en haleine, et cependant soumises à une sévère discipline. Elles attendaient l’ordre de marcher en avant. Rappelons brièvement ce qui s’était passé pendant les semaines précédentes dans le département du Loiret.

Aussitôt après l’investissement de Paris, les troupes allemandes se répandirent dans la Beauce avec une rapidité foudroyante. Leur marche ne fut qu’une promenade. Ce n’était pas étonnant. Le seul corps d’armée que la France eût encore, celui du général Vinoy, était bloqué dans la capitale. Au dehors, il ne restait que six régimens d’infanterie rappelés à la hâte de Rome et d’Algérie, des bataillons de mobiles fort peu aguerris et des compagnies de francs tireurs en voie de formation. Le général de Polhès et après lui le général de La Motterouge avaient essayé de défendre le Loiret en se retranchant dans la forêt ; ils n’y avaient pas réussi. Après quelques combats dont le dernier eut lieu dans l’un des faubourgs d’Orléans même, cette ville avait été occupée le 13 octobre par le général von der Thann, à la tête du 1er corps bavarois. L’entrée et le séjour des troupes ennemies furent l’occasion d’excès déplorables. Sous prétexte que le faubourg avait été pris d’assaut à la suite d’un combat, les officiers allemands permirent à leurs soldats de piller les cafés, les hôtels et les restaurans situés près de la gare du chemin de fer ; à l’intérieur, les maisons abandonnées furent saccagées par les