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mais encore convient-il qu’elles y soient maîtresses. Notre tutelle administrative est un non-sens, une exception isolée dans le droit et dans les constitutions des peuples modernes, et cela par une conséquence presque nécessaire de notre paresse législative ; non certes que nous fassions peu de lois, mais nous les faisons toujours trop incomplètes, et il faut sans cesse les renouveler. Tant que nous ne saurons légiférer qu’en termes généraux, nos communes et nos départemens ayant des attributions mal définies, et leurs mandataires jouissant d’un pouvoir réglementaire presque illimité, il faudra l’intervention quotidienne des préfets et des ministres pour corriger les abus.

Un second principe à considérer, c’est la nécessité de deux régimes différens d’administration pour les campagnes et pour les villes. Il ne s’agit pas, hâtons-nous de le dire, de subordonner moralement les unes aux autres, ni donner à celles-ci une supériorité quelconque sur celles-là ; mais la logique des idées et l’exemple de tous les peuples nous apprennent qu’il est insensé de soumettre à une même mesure administrative les agglomérations urbaines et les paroisses rurales. Rien ne peut prévaloir contre la nature des choses. Une ville de 2 millions d’âmes, ou même de 50,000 âmes, ne peut être réduite à la même organisation, aux mêmes attributions qu’un village de 200 ou 300 habitans. L’une des principales faiblesses de notre système d’institutions locales, c’est de méconnaître cette vérité, et de faire sur ce point litière des enseignement de l’histoire, ainsi que de la pratique de toutes les nations. Nulle part en Europe, non plus qu’en Amérique, on n’a eu l’idée d’assujettir à un même régime les villes et les hameaux. Les premières ont un organisme complet et compliqué ; elles constituent des êtres arrivés à un haut état de vie, ayant une infinité de besoins et une infinité de fonctions. Les autres au contraire ne peuvent être considérées isolément comme formant des unités indépendantes ; ce sont les élémens constitutifs d’un groupe plus considérable, — le canton ou le district, — dans lequel ils se confondent pour la plupart des services administratifs, et dont ils ne peuvent être arbitrairement séparés. Toute bonne législation tient compte de ces dissemblances naturelles. Il est d’autant plus important de faire cette distinction dans notre pays, que les paroisses rurales sont plus petites et plus chétives. On l’a dit à la chambre, sans que cette assertion rencontrât de contradicteur[1] : il y a dans notre pays 433 communes ayant une population inférieure à 75 habitans ; 500 communes n’ont qu’une vingtaine d’électeurs ; 3,000 ont moins de 150 habitans ; 4,000 autres communes sont au-dessous de 250 âmes. Comment dès lors peut-on établir une parité

  1. Séance du 11 avril 1871.