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nomme la manufacture des Gobelins, celle des tabacs, le timbre, la monnaie, la compagnie du gaz, celle des omnibus et des voitures de place, les théâtres, etc. Les ouvriers attachés à ces exploitations, dont le nombre dépassait 45,000 il y a onze ans, en 1850, devaient atteindre 50,000 en 1870. De plus, les ouvriers travaillant seuls, chez eux, qui doivent prendre place dans ce même groupe, forment un effectif d’environ 68,000 individus, et les sous-entrepreneurs et façonniers un autre d’à peu près 28,000. C’est une phalange totale de 146,000 travailleurs. Comme il s’agit d’une part, pour quelques-unes des exploitations publiques, d’établissemens appartenant à l’état ou de grandes exploitations privées tirant leurs droits de concessions du gouvernement, comme ainsi d’autre part on a en face de soi une multitude d’unités éparses, les élémens manqueraient pour établir le montant des affaires annuelles. Ils ne manquent pas au contraire pour évaluer, au moins par voie d’approximation, le nombre d’hommes plongés dans l’inaction. Supposons que ces établissemens, appartenant soit à l’état, soit à la ville de Paris, aient conservé leur ancien personnel, il n’en a pas été tout à fait ainsi dans tous les grands services exploités par l’industrie privée. À tout prendre pourtant, la réduction serait en général moins absolue que dans les dépendances ordinaires du travail parisien. On satisfera très amplement à cette considération, si l’on abaisse seulement à 35,000 le chiffre antérieur de 50,000 ouvriers. Quant aux petits chefs d’ateliers travaillant à leur domicile sans auxiliaires, quant aux sous-entrepreneurs et façonniers, la suppression doit être considérée comme à peu près complète. Les façonniers ne sont nombreux que dans le vêtement, où ils figurent presque tous. En dehors de cette application, il ne reste plus guère que la spécialité des articles de Paris qui nous offre encore un chiffre digne d’être remarqué. Le dernier mot qu’il faille prononcer, après avoir attribué une part bien large, trop large peut-être, au personnel actuel des établissemens publics, reviendrait donc, pour l’ensemble de ce groupe tout spécial, à compter au moins 110,000 ouvriers comme entièrement dépossédés de leur précédent gagne pain.

Au bout de cette route sinistre, et avec le serrement de cœur que fait éprouver l’idée de tant de désastres, une réflexion se présente d’elle-même à l’esprit. Le mal s’étend en une mesure presque égale sur toute la grande famille ouvrière. Voilà bien l’égalité, mais sous l’aspect le plus désespérant. Les différences sont en effet rares et faibles. Otez l’alimentation, ôtez quelques dépendances de l’industrie du vêtement et la catégorie exceptionnelle des établissemens publics, et le niveau du désœuvrement s’est promené sur presque