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pour ne s’occuper que des rapports de la divinité avec les hommes, et de son influence sur les affaires de ce monde.

La religion romaine est peut-être la plus pratique qui ait jamais existé ; déjà B. Constant avait dit : « toutes les divinités que nous rencontrons dans la religion romaine ont quelque fonction nécessaire, soit à la préservation, soit à l’amélioration des hommes. » Par une conséquence de ce caractère sans doute, on avait donné une très grande importance aux puissances morales. « Les divinités qui sont en entier de création romaine, — je cite encore B. Constant, — sont pour la plupart des vertus personnifiées : » la concorde et la piété, la continence et la pudeur, l’espérance, le courage, la bonne foi, le patriotisme.

La position prise par les dieux vis-à-vis du peuple romain rappelle celle d’une nation ennemie dont on a du reconnaître la supériorité, et avec qui l’on a fini par conclure un traité de paix et d’alliance à des conditions inégales. Les formes des relations avec la divinité sont calquées sur celles des rapports internationaux. Les immortels prenaient à l’égard des Romains la même position que ceux-ci envers les peuples qu’ils avaient vaincus sans les anéantir, la position de patrons vis-à-vis de leurs cliens. C’étaient même des patrons exigeans et indiscrets, s’ingérant dans tous les détails de la vie, imposant à tout propos leurs convenances et même leurs caprices. Les Romains subissaient malgré eux ces exigences ; mais ils les subissaient, sachant que de leur soumission dépendait leur salut. Ils ne faisaient aucune entreprise, publique ou privée, avant de s’être assuré le consentement et le concours des dieux.

Pour reconnaître la volonté divine, on pouvait employer plusieurs moyens. Il y avait une révélation fermée, déposée dans des documens une fois écrits, et auxquels on ne pouvait rien ajouter : c’étaient les livres sibyllins. Il y avait aussi une révélation vivante, qui se continuait à l’infini et à laquelle on pouvait demander des réponses spéciales sur les problèmes qui se posaient chaque jour ; c’étaient les aruspices, qui répondaient par les entrailles des victimes ; c’étaient enfin les auspices, sur lesquels nous nous arrêterons plus longtemps à cause de leur caractère vraiment national.

Quand un magistrat avait choisi un jour pour une assemblée populaire ou pour une expédition militaire, il se levait pendant la nuit, et, assisté d’un augure, il interrogeait les signes des cieux. Au moyen de son lituus, bâton recourbé qui est devenu la crosse épiscopale, l’augure traçait sur le sol le signe de la croix, deux lignes entrecoupées, indiquant les quatre points cardinaux. Il déterminait ainsi ce qu’on appelait un temple, à la fois observatoire et oratoire. Le but primitif de cette opération était sans doute