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de la liberté sous toutes les formes, et, s’ils triomphaient, ils ne représenteraient qu’une vulgaire usurpation ; de sorte que le gouvernement élu par le pays n’a pas même le choix de sa politique. Il est obligé de vaincre, de vaincre jusqu’au bout, sous peine de voir la France vaincue avec lui. Lorsqu’on vient le trouver avec toute sorte de messages ou d’idées de conciliation, il écoute, il doit écouter, parce qu’il s’agit après tout de la plus lamentable effusion de sang français, et en définitive il n’est pas libre de se prêter à tout ce qui ressemblerait à une transaction. Sur quoi et avec qui pourrait-il transiger ? Est-ce qu’il a le droit d’abaisser la souveraineté de la nation qu’il représente devant un accident de révolution, qu’il s’appelle le comité central ou la commune ou le comité de salut public ? Le gouvernement ne peut que promettre de se montrer un pacificateur humain et prévoyant. La dernière proclamation du chef du pouvoir exécutif trace avec une lumineuse et énergique netteté la seule politique possible. Elle fait la part de tout, des entraînemens et des égaremens, de la situation de Paris réduit à ne pouvoir se délivrer lui-même, des nécessités d’une action militaire décisive, et, suprême humiliation à laquelle on nous expose, cette proclamation de M. Thiers laisse entrevoir l’ennemi étranger s’impatientant de nos luttes prolongées, se déclarant prêt au besoin à en finir pour nous, à remettre l’ordre dans nos affaires, si nous n’y suffisons pas ! Oui, c’est la triste vérité, les Allemands se sont lassés ; la commune aura valu à Paris ce dernier affront de se voir exposé à une pacification prussienne, dont il ne peut être sauvé que par notre armée, par cette armée qui combat pour sa délivrance, qui ne s’arrêtera plus désormais que lorsqu’elle aura relevé partout le drapeau national à la place du drapeau rouge, lorsqu’elle aura rendu à la grande ville et à la France la paix, la sécurité et la liberté.

Elle est à l’œuvre depuis bientôt deux mois, cette armée vaillante et fidèle que des revers immérités avaient frappée, et qu’un patriotisme aussi actif qu’expérimenté a su réorganiser en lui rendant la solidité et la confiance. Elle est tout entière à son rôle de dévoùment patient et héroïque ; elle se sent avec la France, et c’est à elle encore une fois que la France devra d’être sauvée du plus grand des périls, du démembrement intérieur provoqué par les factions à la suite des démembrement imposés par l’ennemi extérieur. C’est là en effet le caractère de cette crise dans laquelle on n’a pas craint de plonger le pays, et qui ne sera même point entièrement passée lorsque notre armée aura fait son devoir. Elle est très complexe, très profonde et très décisive, cette crise. Il n’y a ni à grossir, ni à diminuer le danger ; il suffit de le regarder en face, et de ne point l’oublier dans tout ce qu’on fait. La vérité est que ce qu’on pourrait appeler la constitution intime de notre pays, l’unité française, non pas seulement l’unité nationale, mais l’unité morale, po-