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LA SUISSE


PENDANT LA GUERRE




La Suisse, on le sait, n’est pas restée inactive depuis la déclaration de guerre. Deux puissans voisins se heurtaient à ses frontières, et pouvaient à chaque instant les franchir ; elle était forcée par ses intérêts comme par ses engagemens de rester neutre, et à cet effet de s’armer pour prévenir ou repousser au besoin toute invasion. D’autre part, elle tenait à montrer que sa neutralité n’était pas de l’indifférence, et que, si elle était exemptée des maux de la guerre, elle avait à cœur de les réparer ou au moins de les adoucir. On ne sait pas assez ce qu’elle a fait pour nos blessés, nos malades, nos populations ruinées, pour les milliers d’êtres qu’elle a tirés du feu de Strasbourg. Enfin nos derniers désastres jetèrent dans ses bras 85,000 Français exténués par toutes les souffrances, et qu’elle nous a rendus vivans et sains après deux mois de large hospitalité. Ce sont là des services qu’on n’oublie pas, et qui doivent nous inspirer la plus vive gratitude ; mais le meilleur moyen de les reconnaître, c’est de les recueillir et de les raconter sobrement, sans fanfares, en laissant parler les faits consignés dans les documens officiels, rapportés par des témoins sûrs ou constatés par nos propres yeux ; c’est ce que nous allons tâcher de faire.

I. — LA NEUTRALITÉ SUISSE.

Voici une lettre curieuse, inédite, adressée avant la guerre (le 24 juin 1870), par M. le général Dufour, au maréchal Le Bœuf, alors ministre. C’était à l’occasion d’un débat soulevé au corps législatif par le chemin de fer projeté du Saint-Gothard.