Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 93.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oublieuse iniquité. Ces malveillances à peine dissimulées n’existent point à coup sur dans le gouvernement italien, nous lui rendons cette justice ; elles existent encore moins dans ce grand parti libéral et conservateur qui garde l’inspiration de Cavour. Sait-on où on les trouve ? Elles sont surtout chez ceux qui se disent le plus libéraux, et qui le prouvent en se faisant depuis huit mois les courtisans de la Prusse, chez ceux qui se croient des patriotes, parce qu’ils poursuivent de leur haine la nation qui leur a donné une patrie, chez ceux enfin qui, ces jours derniers encore, n’avaient trouvé rien de mieux que de célébrer par de bruyantes manifestations l’anniversaire d’un échec de l’armée française devant Rome. Le gouvernement italien a eu la délicatesse et la prévoyance d’interdire ces manifestations aussi ridicules qu’odieuses, parce qu’il sait bien qu’aujourd’hui comme hier, à travers toutes les épreuves, il y a entre la France et l’Italie d’intimes liens que les hasards passagers d’une guerre funeste ne peuvent détruire.

C’est notre malheur de n’avoir rencontré dans nos crises que des sympathies très inactives et des inimitiés ou des malveillances qui ne se sont même pas déguisées. Des amis, la France en a eu sans doute, elle en a encore dans tous les pays ; nous devons avouer qu’ils ont été peu nombreux, et qu’ils ne pouvaient nous promettre que le secours trop inefficace d’une vieille cordialité émue de nos infortunes. À quoi faut-il attribuer ces sentimens étranges qui étaient de l’indifférence quand ils n’étaient pas de la haine à l’égard de la France ? C’est le résultat de bien des causes. Nous avons eu pendant vingt ans une politique si singulièrement habile qu’elle était parvenue à faire le vide autour de notre pays, qu’elle avait réussi à dissoudre toutes nos anciennes alliances sans pouvoir compter sur des alliés nouveaux, en refroidissant au contraire ceux-là mêmes qui auraient dû s’intéresser à notre cause.

Un des pays où ces sentimens se sont produits avec le plus de crudité, c’est l’union américaine. Notre simplicité a été de croire que, parce que nous proclamions la république au 4 septembre, nous ne pouvions manquer de trouver sinon une alliance, du moins un appui moral à Washington et dans les grands états de l’Union. Les Américains nous ont répondu en se montrant plus que jamais les alliés de la Russie et en saluant la fortune grandissante de l’Allemagne ; ils nous ont payé avec usure la guerre du Mexique, cette guerre dont on peut retrouver les traces dans tous nos désastres actuels. Un Canadien, en nous envoyant un touchant témoignage de souvenir et de sympathie pour la vieille patrie de sa race, nous écrivait récemment des États-Unis : « Vous savez à quel point la France a été laissée seule en Europe ; la sympathie des États-Unis a été encore plus, s’il est possible, en faveur de la Prusse. Je ne connais que deux journaux qui ont défendu la France, le New-York World et le Boston Traveller. Tous les autres se