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Or il résulte des tableaux que l’auteur nous met sous les yeux que, si l’accroissement de la dette publique dans chaque état, depuis le commencement du siècle surtout, a été énorme, le progrès de la population et celui de la richesse ont été plus grands encore, de telle sorte que la charge annuelle est moins lourde qu’elle ne l’était avant cet accroissement. L’Angleterre nous offre sous ce rapport un exemple très curieux. Dans ce pays, la dette a été portée à son maximum en 1815, elle s’élevait alors (chiffres ronds) à 900 millions de livres sterling ou 22 milliards 1/2 de francs, ce qui, pour une population de 18 millions 1/2 d’habitans, représentait en intérêts annuels 34 shillings 8 deniers par tête, ou un peu plus de 43 francs ; elle ne représente plus aujourd’hui que 15 shillings 9 deniers, soit un peu plus de 19 francs, et, si on la rapproche du développement du revenu public, le résultat est plus satisfaisant encore. En 1815, l’intérêt de la dette comptait pour 9 pour 100 dans ce revenu ; il ne compte plus maintenant que pour 2 4/5 pour 100. Par conséquent, bien que le total en soit encore considérable, le poids en est singulièrement allégé depuis 1815, et il est devenu très faible, si on le compare aux forces contributives du pays.

En Amérique, aux États-Unis, avant la guerre de sécession en 1860, la dette fédérale jointe à celle des états particuliers était de 1 milliard 600 millions. En 1865, après la guerre, elle s’élève tout d’un coup à 15 milliards 1/2 : jamais dans l’histoire on n’avait vu une progression semblable. L’intérêt annuel de cette dette, qui était de moins de 3 francs par tête en 1860, monte à 24 francs en 1865 ; il est déjà redescendu à 18 francs, grâce à un amortissement très rapide, combiné avec le progrès de la population, ce qui prouve que dans ce pays tout est extraordinaire. On a pour diminuer les charges publiques la même puissance que pour les augmenter lorsque cela est nécessaire. En cinq années, l’Amérique a déjà réduit le principal de sa dette de 2 milliards 250 millions, et l’intérêt de 142 millions. La charge annuelle par rapport au revenu est, comme en Angleterre, de 2 4/5 pour 100. De tous les grands états de l’Europe, l’Allemagne est celui qui à la dette la moins élevée, elle se divise ainsi : pour la Prusse et les états annexés depuis 1866, 1 milliard 700 millions ; pour les autres états du nord, 717 millions 1/2 ; pour la Bavière, le Wurtemberg, Bade et la Hesse, 227 millions 1/2 ; pour les emprunts de la confédération, en 1867 et en 1870, 663 millions ; total, 4 milliards 307 millions. De ce chiffre, il faut déduire ce qui a été dépensé pour les chemins de fer, qui sont la propriété de l’état, et dont les produits compensent les charges. Il reste une dette d’un peu plus de 2 milliards 1/2, représentant en intérêts 183 millions 1/2, soit par tête 4 fr. 65 cent., et par rapport au revenu à peine 1 pour 100. C’est donc dès à présent l’état où existe la dette la moins lourde, et quand il aura reçu les 5 milliards d’indemnité de la France, il pourra,